L’auteur de la dégradation de l’œuvre de Miriam Cahn au Palais de Tokyo serait un ancien élu du Front national
On croyait en avoir fini avec la polémique contre Fuck abstraction !, cette toile de Miriam Cahn exposée au Palais de Tokyo représentant une scène de fellation forcée entre un homme sans visage et une frêle silhouette à genoux. Après les plaintes pour apologie de la pédopornographie déboutées par le tribunal administratif de Paris le 28 mars, puis par le Conseil d’Etat le 14 avril, le tableau a été la cible, dimanche 7 mai, d’une nouvelle attaque, physique cette fois.
Malgré l’important dispositif de protection mis en place par le centre d’art parisien – un médiateur et trois gardiens stationnent en permanence dans la salle où l’œuvre est accrochée –, un homme au crâne dégarni et âgé a réussi à l’asperger de peinture mauve cachée dans un flacon de sirop Smecta, avant d’être appréhendé par un agent de la sécurité. L’individu, qui n’a pas opposé de résistance, s’est alors muré dans le silence, avant d’être arrêté par la police et placé en garde à vue.
D’après nos informations, que le parquet de Paris n’a pas souhaité confirmer, il s’agirait de Pierre Chassin, ancien chef du groupe Front national au conseil municipal des Mureaux (Yvelines). Cet homme, né en décembre 1942, risque une peine de sept ans de prison et une amende de 100 000 euros. Le Palais de Tokyo a déposé plainte, lundi 8 mai.
Pourquoi l’octogénaire retraité de la politique s’en est-il pris au tableau de Miriam Cahn ? Etait-il proche des associations de protection de l’enfance qui avaient tenté d’en obtenir le retrait ? Ce fils du général Lionel Chassin (l’un des fomentateurs du coup d’Etat de 1958) qui, jeune, s’était engagé comme mercenaire aux côtés de Bob Denard au Congo en 1965 – une expérience dont il a tiré un livre, Baroud pour une autre vie (Jean Picollec Editeur, 2000) –, voulait-il revivre les frissons de l’aventure ? « Je crois qu’il s’agit surtout de quelqu’un qui veut exister et se faire mousser », avait déclaré en 2015 à son sujet le conseiller municipal Europe Ecologie-Les Verts Mounir Satouri. L’élu réagissait alors à une tirade de Pierre Chassin sur la liberté d’expression et l’ostracisme de l’extrême droite aux Mureaux, au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo.
Le tableau ne sera pas décroché
Sans connaître alors l’identité du vandale, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, avait tout de suite réagi, dimanche, en visant fermement l’extrême droite : « Le Rassemblement national [RN] a instrumentalisé ce tableau pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes… Sans cette instrumentalisation par le RN, nous n’en serions certainement pas arrivés là. » Caroline Parmentier, députée RN du Pas-de-Calais, avait en effet violemment attaqué l’œuvre sur les réseaux sociaux et interpellé à ce sujet la ministre, le 21 mars.
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Source: Le Monde