Shoah : 200 millions d’euros de bijoux... la vente de l’année chez Christie’s critiquée par des associations juives

May 08, 2023
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700 bijoux, une bague Cartier sertie d’un rubis, un diamant de 90,36 carats… La vente aux enchères des bijoux de la milliardaire autrichienne Heidi Horten (1941-2022) organisée en mai était censée être l’évènement de l’année pour la maison Christie’s. Sauf que des organisations réclament sa suspension en raison des liens de son mari avec les nazis pendant la guerre.

C’est l’origine de la fortune d’Helmut Horten, qui possédait l’une des plus grandes chaînes de grands magasins en Allemagne, qui a suscité des critiques. En 1936, trois ans après l’accession d’Adolf Hitler à la chancellerie allemande, il avait repris la société textile Alsberg après la fuite de ses propriétaires juifs, avant de reprendre plusieurs autres magasins appartenant à des juifs avant la guerre. Il a par la suite été accusé d’avoir profité de l’« aryanisation » des biens juifs (mesures de spoliation visant à transférer la propriété d’entreprises détenues par des personnes d’origine juive). Selon le classement Forbes, la fortune de sa femme, Heidi Horten, décédée en juin 2022, s’élevait à 2,9 milliards de dollars.

Ces derniers jours, le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la traque des anciens nazis, et le Comité juif américain ont appelé Christie’s à suspendre la vente. « Ne récompensez pas ceux dont les familles ont pu s’enrichir grâce à des Juifs désespérés ciblés et menacés par les nazis », a plaidé dans un communiqué le rabbin Abraham Cooper, un des responsables du centre Simon Wiesenthal.

Des bijoux valant plusieurs millions de dollars

L’une des pièces maîtresses de cette collection de 700 bijoux qui fut en possession d’Heidi Horten est une bague Cartier sertie d’un rubis « sang de pigeon » de 25,59 carats, estimée entre 15 et 20 millions de dollars, a indiqué Rahul Kadakia, directeur international pour la joaillerie chez Christie’s, lors de la présentation lundi.

La bague Cartier sertie d'un rubis de 25,59 carats est estimée entre 15 et 20 millions de dollars. REUTERS/Denis Balibouse

« Nous avons aussi le Briolette d’Inde », un diamant de 90,36 carats « de couleur D, la plus blanche, estimé entre 10 et 15 millions de dollars », rattaché à un collier formé d’une myriade de petits diamants blancs, a-t-il ajouté. Ce diamant briolette avait été acquis par Cartier en 1909, avant d’être vendu au banquier George Blumenthal en 1911 puis au joaillier Harry Winston en 1946, puis prétendument vendu à un maharaja un an plus tard. Racheté ensuite à plusieurs reprises, il a été acquis par Heidi Horten en 1971.

Le diamant « Briolette d'Inde », de 90.36 carats est estimé à au moins 10 million de dollars. AFP/Fabrice COFFRINI AFP or licensors

Parmi les autres lots phares figure un collier de trois rangées de perles naturelles, avec pour fermoir un diamant rose de 11,15 carats (estimé 7-10 millions de dollars). Un autre collier, moins onéreux (estimé 500 000-700 000 dollars), mais très imposant, en or et diamants, possède comme pendentif une très grosse émeraude de 362,45 carats du XIXe siècle sculptée représentant une scène de l’épopée mythologique hindoue « Ramayana ».

Une vente exceptionnelle pour Christie’s

Cette collection « tout à fait extraordinaire » est évaluée entre 150 et 200 millions de dollars, selon Rahul Kadakia. « La dernière fois que Christie’s a organisé une vente aux enchères d’un tel niveau, c’était en 2011, lorsque nous avons vendu la collection d’Elizabeth Taylor, qui a rapporté environ 145 millions de dollars en deux jours, et il y avait 400 bijoux », a-t-il fait valoir. Cette fois, « afin de ne pas avoir autant de bijoux sur le marché en même temps », les ventes ont été espacées. Ainsi, 300 lots sont proposés en ligne du 3 au 15 mai, moins de 100 seront dispersés en salle le 10 mai, 150 le 12 mai, et environ 300 autres en ligne en novembre.

La maison d’enchères a accepté de l’organiser car « tous les produits de la vente iront à des œuvres de bienfaisance, (…) et Christie’s fait séparément un don important en faveur de la recherche et l’éducation sur l’Holocauste », a expliqué Rahul Kadakia. « Nous sommes donc convaincus qu’en fin de compte, le produit de la vente fera le bien ».

Source: Le Parisien