Filtre anti-arnaques, sanctions contre les cyberharceleurs... Ce que contient la loi Numérique
Le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Revue des principaux points de ce texte touffu.
Le ministre de la transition numérique Jean-Noël Barrot présentera mercredi en conseil des ministres sa grande loi visant à «sécuriser et réguler l'espace numérique». Du cyberharcèlement aux locations touristiques en passant par les arnaques par SMS, le projet de loi brasse de nombreux sujets. Il sera examiné d'ici l'été par le Sénat.
Créer un «filtre anti-arnaques»
Qui n'a jamais reçu de SMS l'invitant à utiliser au plus vite les fonds de son Compte personnel de formation, ou bien un email à propos d'une soi-disant contravention à régler ou d'un prétendu incident de livraison de colis ? Selon le gouvernement, 18 millions de Français ont été victimes l'an passé de telles arnaques, et la moitié d'entre eux y ont perdu de l'argent. Il compte y remédier grâce à un «filtre anti-arnaques» qui doit décourager les malfrats.
Concrètement, un message d'avertissement s'affichera dès qu'un internaute cliquera sur un lien envoyé par un arnaqueur. Les fournisseurs d'accès à Internet, ainsi que les navigateurs web, seront chargés de l'affichage de cette alerte à partir d'une base de données mutualisée de sites malveillants (usurpation d'identité, paiements frauduleux, phishing...) qui sera établie par les autorités administratives (répression des fraudes, cyber gendarmerie, agence nationale de sécurité des systèmes d'information, etc).
«C'est une sorte de service public de la cybersécurité pour tous, et qui protège en particulier les Français les plus éloignés du numérique», commente le ministère du Numérique.
Suspendre des réseaux sociaux les condamnés pour cyberharcèlement
C'est une mesure coup de poing pour lutter contre la haine en ligne. Si le projet de loi est adopté, la justice pourra punir les auteurs de propos illégaux et les cyberharceleurs d'une suspension temporaire de leurs accès aux réseaux sociaux où le délit aura été commis. Les plateformes en question devront suspendre le compte du condamné, mais aussi ses éventuels autres comptes, et l'empêcher de se créer un nouveau profil. Cette mesure pourra aller jusqu'à 6 mois de bannissement, et un an en cas de récidive.
«À l'image du dispositif des interdits de stade, ce dispositif préviendra la récidive», estime Jean-Noël Barrot. «Il frappera les chefs de meute là où ça fait mal et les privera de leur caisse de résonance en confisquant leur notoriété.» Seront visés les faits de harcèlement sexuel, moral ou scolaire, les appels à la haine racistes, religieux, sexistes, le négationnisme, la répression de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, et l'apologie du terrorisme.
Renforcer le blocage des sites pornographiques pour les mineurs
Fin 2021, l'Arcom (ex-CSA) avait mis en demeure cinq sites pornographiques qui n'avaient pas mis en place un système robuste de vérification de l'âge de leurs visiteurs en France. Une infraction à une loi de 2020 visant à bloquer l'accès à ces sites pour les enfants et adolescents. Un an et demi plus tard, l'affaire est toujours entre les mains de la justice : les sites pornographiques ont multiplié les recours pour échapper aux poursuites.
Le ministère du Numérique propose donc de simplifier la procédure de sanctions contre les sites récalcitrants. Si la loi est adoptée, l'Arcom n'aura plus besoin d'un constat d'huissier avant de notifier une plateforme pornographique hors de clous. Il n'aura pas non plus besoin de passer par un juge pour en obtenir le blocage. Ce dernier pourra être ordonné directement auprès des fournisseurs d'accès à Internet, qui auront 48 heures pour se conformer, et des moteurs de recherche (5 jours de délai).
Renforcer la lutte contre les contenus pédopornographiques
Les hébergeurs seront passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires annuel s'ils ne retirent pas sous 24 heures les contenus pédopornographiques qui leur auront été signalés par la police et la gendarmerie. Les personnes physiques risquent, elles, un an de prison de 250.000 euros d'amendes. «L'année dernière, 74.000 demandes de retrait de contenus pédopornographiques ont été adressées aux hébergeurs», rappelle le ministre.
Bloquer les médias de propagande sur Internet
Le projet de loi donne à l'Arcom le pouvoir de demander l'arrêt de la diffusion sur les plateformes numériques de médias qui auront été interdits à l'échelle européenne pour propagande ou ingérence étrangère. Cette disposition fait suite à la stratégie déployée par les médias russes RT et Sputnik pour continuer à toucher un public francophone en dépit de leur interdiction : ces chaînes s'étaient tournées vers les plateformes vidéos américaines Odysee et Rumble.
Renforcer le contrôle des locations touristiques illégales
Le projet de loi vise à créer une base de données nationale des meublés de tourisme afin d'aider les collectivités à mieux repérer les propriétaires qui dépassent le seuil des 120 nuitées par an. Cette base de données centralisera les informations détenues par les grandes plateformes du secteur, comme Airbnb, Booking ou Abritel.
Lutter contre les abus commerciaux dans le secteur du cloud
En anticipation du Data Act européen, qui n'entrera pas en vigueur avant 2026, la France souhaite agir contre les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du cloud. Le projet de loi entend interdire les lourds frais de transferts que les grands acteurs du secteur appliquent quand leurs clients professionnels souhaitent passer à la concurrence - et qui les dissuadent bien souvent de le faire. Le texte veut aussi encadrer la pratique, très répandue, de la distribution de «crédits cloud» gratuits auprès des start-up, en la limitant dans le temps. «Cette mesure permettra aux entreprises françaises de changer beaucoup plus facilement de fournisseurs de cloud en faisant jouer la concurrence», décrypte Jean-Noël Barrot.
Source: Le Figaro