Au Royaume-Uni, inquiétudes autour de la liberté d’expression et de manifestation

May 10, 2023
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Arrestation d’un activiste du climat « Just Stop Oil » à Parliament Square au centre de Londres, le 3 mai 2023. DANIEL LEAL / AFP

Les libertés publiques sont-elles menacées au Royaume-Uni ? La polémique enfle depuis que la Metropolitan Police (la police du Grand Londres) a arrêté, samedi 6 mai, 64 personnes, qui manifestaient pour la plupart pacifiquement en marge du défilé du couronnement de Charles III. Scotland Yard a d’abord justifié l’action de ses agents, avant d’exprimer des « regrets », lundi, pour avoir arrêté six manifestants de l’association antimonarchique Republic, détenus pendant seize heures et relâchés sans poursuites.

Mais beaucoup de questions demeuraient mardi sur l’interprétation par les forces de l’ordre du Public Order Bill, une nouvelle loi sur le maintien de l’ordre entrée en vigueur le 2 mai, et jugée liberticide par les associations de défense des droits humains.

Samedi matin, bien avant que le carrosse transportant le roi Charles et la reine Camilla ne quitte Buckingham Palace pour l’abbaye de Westminster, six membres de l’association Republic sont donc arrêtés alors qu’ils déchargent des bannières « Not my king » (« ce n’est pas mon roi ») d’une camionnette, dans le centre de Londres. La police expliquera plus tard avoir trouvé dans le véhicule des attaches à bagages et avoir soupçonné que les militants s’en serviraient pour s’attacher (à des grilles) le long du parcours du souverain. Finalement, la police a été, de son propre aveu, « incapable de prouver » ses soupçons.

Quelques heures plus tôt, Scotland Yard avait aussi arrêté trois travailleurs sociaux qui distribuaient des alarmes antiviol à des femmes dans la rue. Enfin, plus tard dans la journée, sur le Mall, l’allée menant à Buckingham Palace, une poignée de militants pour le climat ont été appréhendés avant même d’avoir eu le temps d’exposer leur tee-shirt « Just Stop Oil ». Rich Felgate, un documentariste, qui filmait les arrestations, arborant, assure-t-il, son accréditation presse bien visible, a, lui aussi, été interpellé.

Texte rédigé de manière vague

« Nos officiers ont opéré dans un contexte sécuritaire hors norme », s’est défendu, mardi, dans le grand quotidien londonien Evening Standard, Mark Rowley, le haut-commissaire de la Metropolitan Police. Et « des informations sérieuses et fiables nous sont remontées, selon lesquelles [les risques de dérapages] étaient très réels », a ajouté le policier en chef. Quelque 11 500 policiers avaient été déployés dans les rues de Londres pour la journée du couronnement et la nervosité était sensible dans les rangs de Scotland Yard.

Ces explications n’ont pas convaincu le maire de Londres, Sadiq Khan, qui réclame « de la clarté » sur les actions de la police « pour tirer les leçons ». Ce sont surtout les effets à long terme du Public Order Bill qui inquiètent. La loi a été taillée sur mesure par le gouvernement conservateur pour contrarier les tactiques des activistes pour le climat (Extinction Rebellion ou Just Stop Oil), qui prônent des actions non violentes mais contrariantes pour la circulation (marches lentes, militants s’enchaînant ou se collant sur la chaussée…). Mais le texte est rédigé de manière vague et donne à la police des pouvoirs très étendus, comme ceux de fouiller ou d’arrêter préventivement toute personne dès lors qu’elle la soupçonne de vouloir perturber l’ordre public ou de posséder un objet susceptible de servir d’attache.

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Source: Le Monde