Pas encore construit, le parc éolien en mer des îles d'Yeu et de Noirmoutier déjà jugé "obsolète"

May 11, 2023
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Cinquième du genre à être mis en service en France, ce parc éolien va entrer dans sa phase de construction cet été. Mais les opposants au projet pointent du doigt son obsolescence.

À peine lancé, le futur parc éolien en mer des îles d'Yeu et de Noirmoutier est-il déjà dépassé ? C'est, en tout cas, le reproche fait par certains acteurs opposés au projet, alors que la phase de construction des installations doit démarrer dans les prochaines semaines.

Ce projet renouvelable vient d'obtenir la décision finale d'investissement, permettant de lancer les premières phases de sa construction dès cet été. Porté par Ocean Winds - coentreprise dédiée à l'éolien marin et détenue à 50/50 par les deux énergéticiens Engie et EDP Renewables -, il doit voir le jour en 2025, plus de 10 ans après avoir remporté en 2014 l'appel d'offres lancé par l'État un an plus tôt. Représentant un investissement d'environ 2,5 milliards d'euros, le projet EMYN prévoit la construction et l'installation d'un parc éolien situé à 11 km au large de l'île d'Yeu et à 16 km au large de l'île de Noirmoutier, qui alimentera chaque année près de 800.000 personnes en électricité, soit l'équivalent de la population de la Vendée. Et ce, grâce à 62 éoliennes d'une puissance unitaire de 8 mégawatts (MW), un tiers plus faible que les éoliennes dites «nouvelle génération».

Et c'est justement là que le bât blesse : «Les modèles prévus sont des éoliennes d'ancienne génération de 8 MW. Dans la norme actuelle, les machines sont bien plus puissantes, telles que l'Haliade X de General Electric (12 ou 13 MW)», regrette Emmanuel Vrignaud, le président de l'association NENY (Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu). Le représentant déplore de ne «pas être parvenu à une décision collective» qui aurait permis de repousser le projet et ainsi de le remettre au goût du jour. «On aurait préféré revoir la copie avec les éoliennes dernière génération : elles sont plus grandes, peuvent être installées plus loin des côtes, et on pourrait passer leur nombre de 60 à 40 éoliennes pour une même efficacité», détaille l'opposant au projet, qui estime que ce parc éolien «est également obsolète du fait de sa trop grande proximité avec les îles vendéennes».

«Effectivement, la filière des éoliens offshore met tellement de temps à sortir - au minimum 7 ans avant qu'un parc soit mis en service - que par la force des choses, les technologies évoluent» entretemps, confirme Jérémy Simon. Le délégué général adjoint du Syndicat des énergies renouvelables (SER) assure toutefois qu'«on ne peut pas revenir et changer tout le projet après coup» : cette situation est «assez classique» dans l'éolien en mer, selon le SER, «du fait de l'évolution technologique rapide des machines, exacerbée par le temps de développement très long des premiers projets». «C'est valable partout en Europe. Quand on regarde les projets mis en service en 2022, la plupart des éoliennes ont des puissances équivalentes à 8 MW alors qu'on est capable de commercialiser des turbines beaucoup plus puissantes», poursuit Jérémy Simon. Le représentant refuse cependant de parler d'obsolescence, préférant souligner «un effet du temps long» du lancement des projets. Une réalité qui doit pousser selon lui les acteurs du secteur à «accélérer les procédures d'instruction et réduire le temps nécessaire à la réalisation d'un projet».

«Un produit déjà rodé et certifié»

Impossible, en effet, de repenser aujourd'hui un projet d'une telle envergure, sous peine de reprendre toutes les études à zéro, y compris celles d'impact. Et tant pis si les technologies ont évolué depuis et sont désormais plus performantes. Pour les porteurs du projet EMYN, ce temps long de conception, de design, d'approbation est «implicite au moment de l'achat de la turbine». «C'est un processus normal d'avoir un certain nombre d'années entre le choix de la turbine et l'installation de celle-ci. Ça dépend des pays, mais ça prend toujours entre 5 à 10 ans», relate Paolo Cairo, le directeur du parc éolien Yeu-Noirmoutier. D'après ses dires, «si on décidait de faire un projet aujourd'hui en 2023, avec des turbines d'une puissance de 14MW, il ne serait prêt que dans 7 ans».

Lui réfère vanter la puissance des futures éoliennes du parc, produites par Siemens Gamesa dans son usine du Havre : «Un produit déjà rodé et bien certifié dont la maintenance sera facile [...] plus que suffisant pour assurer l'engagement de production et atteindre la capacité totale du site fixée à 500 MW». Et d'ajouter : «C'est vrai qu'on aurait la possibilité d'avoir des turbines plus grandes et de les déplacer plus loin de la côte, ce sont des axes sur lesquels tous les développeurs planchent, mais encore une fois, on ne l'aurait que dans 7 ou 8 ans». Une nouvelle loi, promulguée le 10 mars dernier, vise d'ailleurs selon le gouvernement à accélérer la production d'énergies renouvelables. Et ce, notamment en «simplifiant les procédures». Reste à savoir si cela permettra de raccourcir considérablement les délais, alors que la technologie évolue à grande vitesse.

Source: Le Figaro