Face au régime d’Al-Assad, maître du trafic de Captagon, les pays arabes usent de la carotte et du bâton
Le ministre des affaires étrangères jordanien, Ayman Safadi, à Amman, le 8 mai 2023. KHALIL MAZRAAWI / AFP
La lutte contre le trafic de Captagon s’est imposée comme le dossier prioritaire de la normalisation arabe avec la Syrie. La guerre civile qui fait rage depuis douze ans dans le pays a vu fleurir la production de cette drogue de synthèse, passée sous la coupe du clan Al-Assad. Des millions de pilules inondent le Golfe, et parfois l’Europe, en empruntant des routes de contrebande qui passent par la Jordanie, l’Irak, le Liban et la Turquie. Après avoir tenté, sans guère de succès, de bloquer ces arrivages, vus comme une menace à leur sûreté nationale, des pays comme la Jordanie et l’Arabie saoudite exigent désormais du dictateur syrien, Bachar Al-Assad, qu’il mette un terme à ce trafic, en échange de sa réintégration dans la Ligue arabe, actée dimanche 7 mai.
Le dessein est ambitieux. Estimée à plusieurs milliards de dollars, la contrebande de Captagon est la bouée de sauvetage du régime syrien. L’économie est en plein marasme, et le budget de l’Etat a chuté à 3,6 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros) en 2022. A voir la fébrilité des pays de la région à chaque interception de stupéfiants à leurs frontières, le président Al-Assad a compris qu’il tenait un atout maître pour amener ses pairs à reprendre langue avec lui. La multiplication des prises ces derniers jours confirme qu’il usera de cette carte aussi longtemps qu’il pourra en tirer profit.
Avec ce partenaire intraitable, qui nie jusqu’à son rôle dans le trafic, les pays arabes usent de la carotte et du bâton. Lundi 8 mai à l’aube, au lendemain de l’annonce du retour de la Syrie dans le giron arabe, un baron du narcotrafic syrien, Merhi Al-Ramthan, a été tué avec sa femme et ses six enfants, dans une frappe aérienne contre leur maison dans la province de Souweïda, près de la frontière jordanienne. L’implication du royaume hachémite fait peu de doute. L’homme, considéré comme le premier producteur de Captagon de la région et le plus important contrebandier vers la Jordanie, était traqué par les autorités d’Amman.
« Des gages commencent à être donnés »
Celles-ci n’avaient, d’ailleurs, pas fait mystère de leur intention de passer à la méthode forte. Dans un entretien à la chaîne américaine CNN, le 5 mai, le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, n’avait pas exclu « des actions militaires en Syrie » en l’absence de mesures effectives pour juguler cette « dangereuse menace ». Le royaume a commencé à durcir sa lutte contre le trafic de stupéfiants, de plus en plus organisé et protégé par des groupes armés, en 2022. Ce faisant, Amman prenait acte du peu de sérieux de Damas dans la lutte contre ce trafic illégal, en dépit de la normalisation des relations entre les deux pays, intervenue l’année précédente. Des responsables jordaniens ont confirmé au Monde, au printemps 2022, que l’armée était désormais autorisée à faire feu sur les contrebandiers.
Il vous reste 48.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde