Kaskad : l'unité militaire où l'élite russe peut "jouer à la guerre" en Ukraine
Unité très spéciale
Une publicité pour l'unité russe Kaskad, dont les combattants sont connus pour être maintenus à bonne distance de la ligne de front de l'Ukraine.
Se battre pour la patrie, mais sans risquer sa vie ? L’unité militaire russe Kaskad permet à des politiciens russes carriéristes et à leurs fils en âge de servir dans l'armée de se targuer d’avoir participé à l’effort de guerre en Ukraine – tout en s’assurant de rester à une distance confortable des dangers de la ligne de front.
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"Des cœurs ardents. Des nerfs d'acier". Telles sont les qualités prêtées aux soldats des troupes de Kaskad, si l'on en croit la chaîne Telegram de cette unité d’élite spéciale. Celle-ci regorge de vidéos des drones russes bombardant l’Ukraine sur fonds de heavy metal et de portraits de ces "combattants", à la coiffure léchée et parés d’équipements de pointe.
"Des cœurs ardents. Des nerfs d'acier. La volonté de vaincre le nazisme", indique la chaine Telegram de l'unité Kaskad. © Capture d’écran France 24 / Kaskad /Telegram
"Lorsque la patrie a appelé, les cadets ont pris les armes sans hésiter et se sont levés pour défendre leur terre natale", peut-on lire sur l’une des légendes accompagnant les clichés. Un texte soigné, qui ne manque pas de préciser que les courageux jeunes hommes figurant sur les photos ont auparavant étudié à l’université moscovite du ministère russe de l'Intérieur et sont destinés à un avenir prometteur.
Pourtant, à en croire Jeff Hawn, spécialiste de l'armée russe et membre du groupe de réflexion américain New Lines Institute, les combattants de Kaskad ne sont pas aussi audacieux qu’ils le laissent entendre. "De ce que l’on sait, l'unité ne s'est jamais trouvée à moins de 80 kilomètres des combats", fait-il remarquer.
Montrer qu’il n’y a pas de passe-droit
Kaskad a été fondée en octobre 2022 par Dmitry Sablin, membre du parti au pouvoir Russie Unie et ancien député à la Douma, selon le Figaro, qui se réfère à plusieurs témoignages et à l'influente chaîne Telegram de blogs russe VchK-OGPU. Selon Jeff Hawn, l'unité a été créée en réponse à la décision du président Vladimir Poutine de déclarer la "mobilisation partielle" des 300 000 réservistes de l’armée russe, appelés et envoyés à combattre en Ukraine.
D’après Le Figaro, le groupe, basé dans la région illégalement annexée de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, est équipé et financé par le ministère russe de la défense.
En créant cette unité d'élite, qui compterait une centaine de membres, le Kremlin a voulu montrer que personne – pas même les hommes politiques du pays – ne bénéficient de passe-droit qui les exempte de service militaire. "Kaskad s'inscrit dans le cadre d'un effort plus large visant à montrer que les parlementaires russes et leurs familles participent activement à la guerre et accomplissent leur devoir patriotique", décrypte Jeff Hawn.
Plusieurs législateurs et personnalités russes, y compris le propre fils de Dmitry Sablin, ont depuis servi dans cette unité.
Séances photos à l’abri des combats
Mais bien que le bataillon tente de se présenter comme un véritable groupe de combat, selon ses détracteurs il s'agit plutôt d'un "détachement de copains, comprenant des députés et leurs enfants". "Tous veulent se présenter comme ayant participé à la guerre mais n'ont pas envie d'aller au front", déclare ainsi VKCh-OGPU cité par le Daily Telegraph.
"Les combattants de Kaskad regardent l'avenir avec confiance. En effet, ils sont intimement convaincus de la victoire sur le fascisme dans le Donbass". Les nombreux portraits de combattants publiés sur la chaine Telegram de l'unité sont tous pris sur un fond identique. © Capture d’écran France 24 / Kaskad /Telegram
Les "dangers" auxquels s'exposent les membres de Kaskad sont pratiquement inexistants, souligne Jeff Hawn, notant que leur contribution à l'effort de guerre se résume à des séances de photos au service de la propagande du Kremlin.
Le Daily Telegraph publie plusieurs photos de ces combattants, en train de préparer des drones ou encore de scruter des écrans d’ordinateur "depuis des bunkers confortables".
"Ils participent pendant moins d'un mois, prennent des photos, les publient, puis rentrent chez eux", poursuit Jeff Hawn. "Pendant ce temps, les soldats russes meurent par centaines dans la boue de Bakhmout."
"Augmentez vos chances d'être élus"
À l’approche des élections régionales russes du 10 septembre, l’unité Kaskad peut aussi servir de tremplin pour booster la campagne de certains parlementaires russes.
Dans une tribune publiée par le think tank américain Carnegie Endowment for International Peace, le journaliste russe Andrey Pertsev explique que la guerre en Ukraine et le titre de "vétéran" sont devenus un "ascenseur de carrière" pour les politiciens russes.
"Les plus rusés vont pouvoir s’approprier l'étiquette de 'vétéran', acquise grâce à des déplacements au front le temps d'une séance de photos", écrit-il, notant que les voyages d’hommes politiques russes en Ukraine occupée se multiplient déjà.
Oleg Golikov, membre de la Douma, est l'un de ceux qui ont temporairement abandonné leurs fonctions administratives pour "se battre" pour leur patrie en rejoignant Kaskad. Selon Le Figaro, il a récemment effectué deux services de trois mois au sein de l'unité, déclarant fièrement : "Je suis en première ligne pour défendre notre patrie".
"Nous avons volé de 50 à 70 km au-delà des lignes ennemies, pour observer où étaient positionnés les canons qui bombardaient nos positions, et diriger notre artillerie", raconte-t-il encore au journal économique Vedomosti, précisant que son unité est spécialisée dans l’utilisation des drones.
D’après ce même média, quelque 56 membres de la Douma et des assemblées régionales russes – ne bénéficiant pas d’exemption s’ils sont mobilisables – étaient présents sur le front en avril au sein de diverses unités. Jusqu’ici, trois parlementaires locaux sont morts au combat.
Ce texte a été adapté de l'anglais. Retrouvez ici l'article original.
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Source: FRANCE 24