Au Chiapas, l’amertume des indigènes opposés aux " mégaprojets " du président mexicain
Un membre de la communauté et du Conseil régional indigène de Xpujil, au Chiapas (Mexique), opposé au projet de train maya, reçoit la visite de la caravane El Sur resiste, le 3 mai 2023. GABRIELA SANABRIA
Une centaine de militants de la caravane El Sur resiste (« le Sud résiste ») s’installent, samedi 6 mai, dans le Centre indigène de formation intégrale, un bastion des zapatistes dans la périphérie de San Cristobal de las Casas (Etat du Chiapas). Une foule bigarrée mêle de jeunes activistes européens, de Mexicains et d’indigènes, où l’on distingue autant de chapeaux de paille et de casquettes que de traditionnels foulards rouges des zapatistes couvrant le bas du visage.
A l’entrée, une immense banderole annonce la teneur de l’événement : « Halte à la répression contre l’Armée zapatiste de libération nationale [EZLN] ». Ce mouvement indigène, qui s’était soulevé en armes en janvier 1994, organise depuis trois décennies une autonomie – non reconnue par l’Etat mexicain – dans cette région du sud du pays. Toujours très présents sur la scène politique mexicaine – les zapatistes avaient soutenu une candidate nahua à l’élection présidentielle de 2018, « Marichuy » –, ils ont élargi le territoire qu’ils contrôlent dans les montagnes du Chiapas et continuent d’être la cible d’attaques de groupes paramilitaires liés aux grands propriétaires terriens et au crime organisé.
Entre le 25 avril et le 7 mai, la caravane El Sur resiste a parcouru sept Etats du Sud-Est mexicain, dans l’objectif de cartographier l’opposition des communautés locales à deux « mégaprojets » du président Andrés Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO », centre gauche) : le Train maya d’abord, qui va parcourir la péninsule du Yucatan sur 1 500 kilomètres, et doit transporter à long terme, en plus des touristes, des produits énergétiques (gaz, pétrole, minerais) depuis le Guatemala jusqu’aux Etats Unis. Le corridor interocéanique ensuite, voie ferrée de 300 kilomètres de long, pour le frêt de marchandises, reliant les océans Pacifique et Atlantique sur l’isthme de Tehuantepec. Le long des voies de ce corridor qui pourrait, à terme, remplacer le canal du Panama, sont prévues des routes et parcs industriels.
« Destruction du tissu social »
A San Cristobal de las Casas, entre les murs tapissés de slogans du Centre indigène de formation intégrale, près de 800 personnes se sont réunies à l’appel du Conseil national indigène, une instance créée en 1996 à l’initiative de l’EZLN et qui représente aujourd’hui quarante-quatre peuples indigènes. L’heure était d’abord au bilan de la caravane, bien amer pour les militants, qui ont essuyé, le 28 avril, les coups de matraques de la police venue déloger le campement « Terre et liberté » des indigènes mixes, qui empêchait l’avancée des travaux du corridor interocéanique depuis deux mois.
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Source: Le Monde