Cartes Villes pavillonnaires autour des métropoles, territoires les plus riches… Visualisez la France des propriétaires de voitures électriques

May 13, 2023
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Franceinfo a cartographié la répartition des acheteurs de voitures électriques et hybrides rechargeables. Les chiffres dessinent d'importantes disparités géographiques.

Sur les routes ou dans les parkings, les voitures électriques sont de moins en moins rares. A tel point qu'Emmanuel Macron a décidé de faire de leur production l'un des grands axes du projet de réindustrialisation qu'il a présenté jeudi 11 mai. Mais qui sont les Françaises et Français au volant de ces automobiles qui peuvent être plus vertes et plus économes selon leur usage ? En 2022, les particuliers ont acquis 288 420 voitures électriques et hybrides rechargeables, neuves ou d'occasion, dans l'Hexagone, selon un listing des immatriculations fourni à franceinfo par le ministère de la Transition écologique*. Une goutte d'eau à côté des plus de 5,2 millions d'automobiles thermiques qui se sont écoulées la même année sur ce même marché.

Les "e-conducteurs", très minoritaires, sont aussi concentrés dans quelques types de territoires bien identifiés. Franceinfo dresse un tour d’horizon, en cartes et en infographies, de la France des propriétaires de voitures électriques.

Dans les communes pavillonnaires, autour des métropoles

L’électrique fait beaucoup d'adeptes dans les métropoles, et tout particulièrement dans les communes pavillonnaires plutôt cossues éparpillées autour de ces très grandes villes. Ce phénomène est visible sur la carte ci-dessous, qui croise la population par communautés d’agglomération avec le taux d'immatriculations de voitures électriques et hybrides rechargeables.

Le cas des Yvelines est emblématique. Ce département de la grande couronne parisienne fait partie des plus friands de voitures électriques. Les achats de véhicules rechargeables y ont pesé pour 7,3% du total des ventes en 2022, sur le marché du neuf et de l'occasion. Un score ex aequo avec celui des Hauts-de-Seine, mais inférieur à celui de Paris (9,6%).

A l'inverse, les batteries ont beaucoup moins la cote dans les territoires ruraux. Ainsi, dans l'Orne, les ventes d'électriques n'ont représenté en moyenne que 3,2% des immatriculations en 2022. Ce pourcentage est encore plus faible en Creuse, où la part de véhicules rechargeables a été de seulement 2,9%.

Cette distinction n'étonne pas le chercheur Bernard Jullien, maître de conférences à l'université de Bordeaux. "Les véhicules électriques sont beaucoup achetés comme deuxième voiture, par des propriétaires de pavillons qui font plusieurs dizaines de kilomètres tous les jours pour aller travailler dans les grandes villes", explique ce spécialiste de la filière automobile à franceinfo. Quant aux habitants des zones rurales, le chercheur explique leur faible équipement en voitures électriques par la barrière du prix. "Nous aurions besoin que le monde rural soit le premier à électrifier son parc automobile. Mais ses habitants seront les derniers à le faire, à cause des contraintes budgétaires", regrette Bernard Jullien.

La plus grande rareté des bornes de recharge publiques pourrait-elle être une autre explication au sous-équipement des campagnes ? Pas vraiment, selon le chercheur, qui rappelle que les habitants des zones rurales ont souvent l'avantage de pouvoir recharger leur véhicule à leur domicile.

Dans les territoires les plus riches de l'Hexagone

En réalité, les territoires qui comptent les plus grandes proportions d'acheteurs de voitures électriques sont également les plus riches. Le croisement des niveaux de vie et des achats de véhicules rechargeables, sur la carte ci-dessous, montre une répartition territoriale quasi identique.

La France des voitures électriques s'étend ainsi sur le littoral atlantique et dans le sud-est méditerranéen. Ces zones sont très prisées par les citadins qui choisissent de se rapprocher de la mer, une fois venu l'âge de la retraite. Dans l'Est, les départements frontaliers se distinguent eux aussi. Le Doubs, le Territoire-de-Belfort, le Haut et le Bas-Rhin ainsi que la Moselle sont habités par de nombreux travailleurs frontaliers qui vivent en France mais travaillent en Suisse, en Allemagne ou au Luxembourg. Ces "navetteurs" bénéficient de rémunérations élevées et sont très dépendants de la voiture pour leurs déplacements.

Selon l'économiste Bernard Jullien, la corrélation entre niveau de vie et équipement en électrique n'est absolument pas fortuite. "Le rapport de cause à effet est réel. L'électrification exacerbe des tendances que l'on voyait déjà se dessiner. Les voitures neuves, donc propres, sont réservées à des ménages plus âgés et plus riches. Même les classes moyennes sont désormais écartées", analyse le chercheur.

Malgré les aides, les voitures électriques coûtent cher. La plupart des modèles valent plus de 30 000 euros. Et les moins onéreux ne sont pas vendus à moins de 20 000 euros. Ces sommes très élevées s'expliquent par le poids des batteries, qui peuvent représenter jusqu'à 30% du coût des voitures électriques, comme le rapporte une enquête du magazine Le Pèlerin. Une solution pourrait être la production de modèles plus légers, donc plus accessibles. Mais pour Aurélien Bigo, chercheur spécialiste de la transition énergétique des transports, cette stratégie est contraire aux intérêts des constructeurs. "L'industrie automobile augmente ses marges en produisant des voitures plus haut de gamme, plus lourdes, avec de plus grosses batteries", rappelle-t-il.

En attendant, il est certain que la généralisation des voitures électriques ne se fera pas à tout prix. "Il y a un vrai problème d'accessibilité au marché de l'électrique, qui est financier", insiste Bernard Jullien.

* Les chiffres de cet article ont été calculés à partir de la base des nouvelles immatriculations enregistrées en 2022 dans le répertoire statistique des véhicules routiers (Rsvero) géré par le service des données et études statistiques (Sdes) du ministère de la Transition écologique. Les voitures immatriculées au nom de personnes morales (entreprises, sociétés privées) ont été écartées de la base des véhicules neufs, pour ne conserver que les immatriculations faites aux noms de particuliers. Ce tri n'a en revanche pas été opéré pour les véhicules d'occasion, qui sont presque exclusivement achetés par des particuliers (à près de 95%, d'après la Sdes).

Source: franceinfo