Moetai Brotherson, un indépendantiste pacifique à la tête de la Polynésie

May 13, 2023
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Moetai Brotherson à Faaa, en Polynésie française, le 3 mai 2023. SULIANE FAVENNEC / AFP

Il était jusqu’ici la force tranquille de l’opposition. Moetai Brotherson va désormais présider la Polynésie française pendant les cinq prochaines années, après avoir été largement élu, vendredi 12 mai, président du territoire par les représentants de l’Assemblée locale de cette collectivité du Pacifique Sud. Le gendre du leader indépendantiste historique Oscar Temaru a recueilli 38 voix, contre seize au président autonomiste sortant Edouard Fritch, et trois à une autre candidate autonomiste, Nicole Sanquer. Avec le souhait de décoloniser ce territoire formé de cinq archipels, mais sans précipiter son indépendance.

Moetai Brotherson est un homme qui assume ses différences. Il est républicain, mais défend son particularisme polynésien en portant chemisette à fleurs, tongs et lavalava (le pagne traditionnel), y compris à l’Assemblée nationale, où il siège sur les bancs de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Il est taillé comme un pilier de rugby, qu’il a pratiqué, mais apprécie tout autant les échecs. Ancien boxeur et amateur de MMA aux bras tatoués, il apprécie tout autant les joutes verbales en français comme en tahitien, sans jamais se départir de son calme. Ce Polynésien aux origines danoises ne craint pas le froid : venu devant l’ONU pour défendre la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, dans l’automne glacial de New York, il se présente en short, parmi les autres Tahitiens vêtus de cols roulés et de vestes chaudes.

Ce qui ne l’empêche pas d’obtenir cette réinscription en 2013. C’est l’un de ses premiers faits d’armes politiques, un premier pas théorique vers la décolonisation, même si la France a toujours refusé de s’asseoir à la table des négociations.

Nouvelle génération

A 53 ans, Moetai Brotherson dit avoir acquis ses convictions indépendantistes dès l’enfance, face à des enseignants nostalgiques du temps des colonies. Mais il tarde à s’engager en politique : il fait d’abord carrière dans l’informatique et les télécommunications, en Métropole et aux Etats-Unis. Il avait d’ailleurs rendez-vous dans l’une des tours jumelles de New York le 11 septembre 2001 et devait arriver quelques minutes après l’attentat. Ce choc le convainc de revenir en Polynésie.

Il se rapproche du monde politique en 2004, à la première arrivée au pouvoir des indépendantistes, mais n’adhère qu’en 2013 au parti d’Oscar Temaru, le Tavini Huiraatira. Ensuite, tout s’accélère. Moetai Brotherson devient son troisième adjoint à la mairie de Faaa en 2014, puis le premier député indépendantiste polynésien en 2017, réélu en 2022 au côté de deux autres indépendantistes représentant aussi la nouvelle garde intellectuelle du parti : le professeur de tahitien Steve Chailloux et l’étudiant Tematai Le Gayic, plus jeune député de l’histoire de France, à 21 ans.

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Source: Le Monde