Dans " Les Gardiens de la galaxie. Volume 3 ", un raton laveur crève l’écran

May 13, 2023
205 views

Rocket Raccoon dans « Les Gardiens de la galaxie. Volume 3 ». COURTESY OF MARVEL STUDIOS/2023 MARVEL

Qu’est-ce qu’un héros aujourd’hui ? A cette question, le cinéma apporte des réponses de plus en plus variées et intrigantes. On se souvient que dans Toy Story 4 c’est une fourchette en plastique (Fourchette, de son vrai nom) customisée par une enfant qui emplissait le film de ses questionnements identitaires. « Je ne suis pas un jouet, je suis une cuichette. J’étais faite pour la soupe, la salade, peut-être un petit taboulé, et puis hop ! à la poubelle. Je suis un détritus… libre ! », déclare ce « moi » jetable, en sautant par la fenêtre du camping-car familial pour rejoindre volontairement une quelconque benne à ordures. Fourchette est-elle vraiment un jouet ? Un simple déchet ? Une chose est sûre, cet objet qui refuse les assignations sociales est si attachant, avec ses yeux de traviole et ses bras désarticulés, qu’il a désormais ses propres minipastilles sur Disney+ (« Fourchette se pose des questions »).

De la même manière, dans Les Gardiens de la galaxie, volumes 1, 2 et 3, space opera hystérique où une bande de potes défouraille dans tous les sens pour sauver l’univers, Rocket Raccoon, raton laveur qui parle aussi vite qu’il tire, a fini par devenir l’épicentre de la franchise Marvel, qu’il irradiait depuis sa périphérie. Rocket Raccoon, dont le nom est inspiré d’une chanson des Beatles (Rocky Raccoon), c’est d’abord un minois anguleux à nul autre pareil : physiquement, on dirait Lee Van Cleef avec des poils. Toujours équipé d’une énorme pétoire laser, cet excellent pilote de vaisseaux spatiaux (clin d’œil à Han Solo de Star Wars) se trimballe une sorte de mauvaise humeur chronique, dont les ferments nous sont dévoilés au compte-gouttes dans les deux premiers volets de la saga : « Je n’ai pas demandé à être fabriqué ! Je n’ai pas demandé à être déchiré et remonté encore et encore, transformé en un… petit monstre ! », s’emporte le personnage velu, après avoir un peu trop picolé.

On croirait presque entendre l’affirmation-phare du philosophe trans Paul B. Preciado, dont un livre célèbre, charge virulente contre la psychanalyse, s’intitulait précisément Je suis un monstre qui vous parle (Grasset, 2020). « Eh bien, écrivait-il, c’est à partir de cette position de malade mental où vous me renvoyez que je m’adresse à vous en tant que singe-humain d’une nouvelle ère. Je suis le monstre qui vous parle. Le monstre que vous avez construit avec vos discours et vos pratiques cliniques. Je suis le monstre qui se lève du divan et prend la parole, non pas en tant que patient, mais en tant que citoyen, en tant que votre égal monstrueux. »

Il vous reste 33.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source: Le Monde