Chili : " Si la droite s’allie à l’ultradroite, elles auront la possibilité d’écrire la Constitution qu’elles veulent "

May 14, 2023
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José Antonio Kast, chef du Parti républicain, après l’élection du Conseil constitutionnel, qui rédigera une nouvelle proposition de Constitution, dimanche 7 mai 2023. ESTEBAN FELIX / AP

L’élection du Conseil constitutionnel, chargé d’aider à élaborer une nouvelle Loi fondamentale au Chili, a été marquée par la victoire du Parti républicain (extrême droite pinochétiste), dimanche 7 mai. Une contradiction apparente, dans un pays gouverné par un président de gauche, Gabriel Boric, et où l’extrême droite a toujours refusé de modifier la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Comme le note Cristobal Rovira Kaltwasser, politologue à l’université Diego-Portales et spécialiste de l’ultradroite et du populisme dans un entretien au Monde, le vote a été porté par les thématiques qui monopolisent le débat politique au Chili aujourd’hui : l’immigration et l’insécurité.

Comment expliquer l’ampleur de la victoire du Parti républicain, qui s’impose comme la première force politique avec 35,4 % des voix et près de la moitié des sièges au sein du Conseil ?

Il s’agit d’un triomphe massif, mais il faut faire preuve de prudence dans l’analyse. Le caractère obligatoire du vote a pesé sur cette élection, avec pour conséquence une participation très importante, de l’ordre de 85 %. Et beaucoup de personnes qui, sans cette obligation, seraient restées chez elles ont voté pour le Parti républicain. Par ailleurs, un grand nombre de votes blancs et nuls ont été relevés [environ 21 %]. Ainsi, en observant la totalité de l’électorat, le vote « républicain » doit être ramené à 23 % environ. C’est un chiffre élevé. Mais c’est aussi la totalité du potentiel électoral de José Antonio Kast [chef du parti].

Par ailleurs, cette élection a été très étrange dans le sens où la campagne n’a pas porté sur le changement constitutionnel, mais sur la crise migratoire et l’insécurité. Des électeurs obligés d’aller voter, ayant pu arrêter leur choix très tardivement, ont vu leur choix influencé par ces thématiques-là. Or, que défend l’ultradroite au Chili et dans le monde ? Un programme anti-immigration et sécuritaire. Cela souligne aussi l’erreur de la classe politique, gauche comprise, qui passe son temps à parler de la délinquance. Les électeurs préfèrent l’original à la copie : ils votent républicain.

Enfin, ce triomphe s’explique par la crise que traverse la droite traditionnelle au Chili. Au début du retour à la démocratie, la droite était très à droite, avec une défense totale de l’économie de marché et des valeurs culturelles conservatrices. Mais électoralement, elle a enchaîné les échecs. Elle a commencé alors à modérer son programme, ce qui a permis à Sebastian Piñera d’accéder à deux reprises à la présidence [2010-2014 et 2018-2022]. Mais son second mandat a été catastrophique, marqué par la révolte sociale de 2019, un taux d’approbation au plus bas, puis la pandémie. Ce bilan et la modération de la droite font que certains leaders et électeurs ne se reconnaissent plus dans son programme et cela a ouvert un espace pour le Parti républicain [lancé en 2019], conforté par le résultat de cette élection.

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Source: Le Monde