Mobilisation contre la réforme des retraites : le ministère de la justice reconnaît l’existence d’un fichier nominatif de manifestants
Lors d’une audience en référé au tribunal administratif de Lille, lundi 15 mai, des représentants du ministère de la justice ont reconnu l’existence d’un fichier nominatif de personnes placées en garde à vue lors de la mobilisation sur les retraites à Lille, qu’ils ont décrit comme un simple « outil de gestion » administrative.
Le tribunal examinait deux requêtes en référé déposées par l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France (SAF) ainsi que par la Ligue des droits de l’homme (LDH), après la publication d’un article de Mediapart dénonçant un tel fichage. Le juge doit rendre sa décision jeudi sur la légalité dudit fichier.
Identités des personnes placées en garde à vue listées
Nommé « Suivi des procédures pénales - mouvement de la réforme des retraites », ce dernier est un tableur Excel détaillant les noms, prénoms, dates de naissance des personnes placées en garde à vue lors des manifestations contre la réforme des retraites et les suites pénales données à leur interpellation. Selon le ministère de la justice, ce fichier est autorisé par le décret encadrant la base de données Cassiopée, qui rassemble dans un logiciel sécurisé les données des prévenus, victimes ou témoins des procédures judiciaires des dix dernières années.
Le tableur examiné « rassemble simplement les procédures liées à un même évènement, ce que Cassiopée ne permet pas de faire en temps réel », et ne contient « aucune autre information » que celles autorisées dans cette base, a détaillé un représentant du ministère. Si « la chancellerie n’a pas donné cette consigne », il s’agit d’un « outil pour la gestion locale », a assuré ce dernier. Cela « permet le pilotage d’un évènement particulier » avec une forte « volumétrie des gardes à vue », a expliqué une autre représentante, évoquant l’existence d’autres fichiers de ce type dans d’autres villes que Lille.
« Cela revient à du fichage d’opposants politiques »
Mais pour les organisations qui contestent l’existence du fichier, en regroupant des informations nominatives les procureurs « se sont permis d’ajouter une donnée majeure : une opinion politique », puisque toutes les personnes fichées le sont pour avoir protesté contre la réforme des retraites, a fait valoir Jean-Baptiste Soufron, avocat de l’Adelico et du SAF. « Ce n’est pas autorisé » et « cela revient à du fichage d’opposants politiques », a-t-il dénoncé. « Si le but est uniquement statistique, pourquoi conserver des données identifiantes, et ne pas se contenter d’un numéro d’enquête », a mis en avant l’avocate de la LDH, Marion Ogier.
Selon elle, quelques dizaines de personnes ont potentiellement été fichées, de cinquante à cent interpellations ayant eu lieu dans le ressort de Lille depuis le 17 mars, date à laquelle le fichier aurait été créé, après le durcissement de la mobilisation contre la réforme créé par le recours à l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement.
La procureure de Lille et le procureur général de Douai, également visés par les recours, n’étaient ni présents ni représentés à l’audience.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde