L’" Irish Times " piégé par un faux article écrit par l’intelligence artificielle

May 16, 2023
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La page de garde du site Internet d’OpenAI, société créatrice du robot conversationnel ChatGPT. MARCO BERTORELLO / AFP

L’histoire commence le jeudi 4 mai, quand une certaine Adriana Acosta-Cortez envoie un courriel à la section « opinion » de l’Irish Times, le grand quotidien irlandais. Se présentant comme une Equatorienne vivant à Dublin depuis huit ans, elle propose un texte intitulé : « Il faut qu’on parle des faux bronzages. » Dans cette tribune, elle explique que la mode, très répandue en Irlande chez les femmes, de s’appliquer des crèmes autobronzantes serait de « l’appropriation culturelle » et une « fétichisation des hauts taux de mélanine chez les personnes pigmentées ».

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Quatre jours plus tard, la nouvelle cheffe du service « opinion », qui vient de prendre ses fonctions, répond positivement par courriel, saluant un article « original », « qui fait réfléchir ». Mais elle suggère quelques modifications et demande une photo ainsi qu’une courte biographie de l’autrice. « Adriana Acosta-Cortez » s’exécute, apporte les modifications mineures nécessaires et se présente comme « administratrice dans les services de santé, 29 ans, maman d’un chat, habitant dans le nord de Dublin ». Elle envoie aussi une photo prétendument d’elle, montrant une femme au visage rond et aux cheveux teints en bleu.

Jeudi 11 mai, la tribune est publiée et est très lue. Deux radios contactent même le quotidien pour obtenir les coordonnées « d’Adriana » et la faire débattre du sujet. Pour ajouter à la confusion, celle-ci répond en envoyant le numéro de téléphone… d’un clown qui propose ses services en Irlande.

« Supercherie délibérée et coordonnée »

« Adriana Acosta-Cortez » n’existait pas. « Elle » n’a non plus écrit l’article. La personne derrière la supercherie, dont l’identité demeure inconnue, s’était contentée d’utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour créer ce texte. Après un peu plus de vingt-quatre heures, l’Irish Times a fini par s’en rendre compte et a retiré l’article de son site Internet.

Deux jours plus tard, le dimanche 14 mai, son rédacteur en chef, Ruadhan Mac Cormaic, a publié un message d’excuses. « Jeudi, nous avons commis une grave erreur. (…) Moins de vingt-quatre heures après sa publication en ligne, l’Irish Times a découvert que cet article n’était peut-être pas réel (…) Il semble que l’article et la photo accompagnant la signature aient été produits, au moins en partie, par une technologie d’IA. C’était un canular. La personne avec qui nous avions correspondu n’était pas celle qu’elle disait être. Nous avons été victimes d’une supercherie délibérée et coordonnée. »

Contactée par message privé sur Twitter par Le Monde, « Adriana Acosta-Cortez » a refusé toute conversation téléphonique, souhaitant s’en tenir à l’écrit. « Elle » − à moins que ce ne soit il ou la machine − assure être « une étudiante d’une vingtaine d’années », qui voulait s’amuser, mais aussi dénoncer « la guerre culturelle » et « la politique identitaire ». « C’est une distraction facile pour les masses pour qu’elles se battent sur le genre, la race ou la sexualité, au lieu de noter les errements d’un gouvernement rapace. »

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Source: Le Monde