Violences contre les élus : les mesures d'Elisabeth Borne pour assurer leur sécurité

May 17, 2023
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Même s’il n’a "pas un tempérament anxieux", Yannick Morez ne cache pas avoir "pris un coup sur la tête". Longuement, hier matin, devant la commission des lois du Sénat, le maire démissionnaire de Saint-Brévin (Loire-Atlantique) a détaillé le harcèlement dont il a été victime pendant des mois par des citoyens à la haine attisée par l’extrême-droite et les réseaux sociaux. Jusqu’à l’incendie criminel de sa maison en mars. Soulignant le manque "flagrant" de soutien de l’État, il est reçu ce soir par Elisabeth Borne à Matignon, avec la ferme intention de ne pas revenir sur sa décision. Malgré les pressions, il ira voguer avec son épouse sur des vagues moins mortelles. Il a prévu de partir en bateau jusqu'en Polynésie, un voyage préparé de longue date, mais qu'il va avancer. "Si je peux avoir fait bouger les lignes pour des élus dont les contraintes sont de plus en plus étouffantes", soupire-t-il, alors que la sénatrice marseillaise Valérie Boyer (LR) et son collègue du Nord Patrick Kanner (PS) l’érigent en "symbole. J’ai été très choqué d’apprendre que le préfet avait eu des pressions pour ne pas accepter votre démission avant d’avoir vu la Première ministre", maugrée le Nordiste.

"Derrière chaque élu agressé, c’est la République qui est visée"

Celle-ci lui a répondu dans l’après-midi, lors d’une séance tendue de questions au gouvernement. "Derrière chaque élu agressé, c’est la République qui est visée", philosophe Elisabeth Borne. Avant de ressasser que "les maires sont en première ligne, il faut les protéger". Une tâche plus que sinueuse, à laquelle est censé répondre le tout juste sorti de terre "centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus". "On bosse depuis plusieurs semaines", tente de convaincre l’entourage de Dominique Faure, ministre chargée des collectivités présente à Matignon hier soir. Les violences subies par les élus locaux ne sont, elles, pas nouvelles.

Entre 2021 et 2022, elles se sont accrues de 32%, passant de 1720 à 2265, dont 5 à 7% d’agressions physiques. "Et la tendance est toujours à la hausse", confirme le cabinet de la ministre. "Des chiffres largement sous-évalués", grince Yannick Morez, alors que 1300 maires ont démissionné depuis 2020, exprimant leur ras-le-bol face aux tensions. "On est dans une situation dingue où on ne peut pas se défendre, où on est seuls en première ligne, où la moindre décision prise sur un permis de construire ou une place en crèche tourne aux insultes, aux menaces, aux violences physiques", gronde Georges Cristiani, président de l’union des maires des Bouches-du-Rhône. Les exemples des édiles de Sénas ou Aurons sont les plus marquants. Ils ne sont pas les seuls.

En compilant les données pour les cartographier afin "d’apporter des réponses opérationnelles directes", en nommant des référents dans les commissariats et brigades de gendarmerie, en améliorant les "dispositifs de protection des élus", le gouvernement propose un "pack sécurité" destiné à briser la spirale. Alors que les maires sont las de voir leurs plaintes classées sans suite, l’exécutif promet également de "renforcer les sanctions pénales" contre les agresseurs d’élus. Elles seront "alignées sur celles prises contre ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre", indique-t-on du côté de Dominique Faure. On parle là de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende maximum. "La prise en considération est là, nous rencontrons déjà régulièrement les procureurs de la République et nous nous formons", signale Georges Cristiani. "Mais on espère qu’il sortira du concret de ce centre d’analyse et de lutte". Pour l’heure, ses contours sont nébuleux. L’enjeu dépasse pourtant l’intégrité physique des maires. En 2020, de nombreuses communes ont eu toutes les peines du monde à organiser des élections avec plus d’une liste, signe d’une démocratie qui se décompose. "Je suis inquiet pour 2026", souffle Yannick Morez. Lui a payé cher pour le savoir. Il est épuisé.

Source: La Provence