Sécheresse : les piscines privées au cœur des crispations, " on est les boucs émissaires dans cette histoire "

May 18, 2023
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Confrontés à un déficit hydrique que les pluies du printemps n’ont pas compensé en vue de l’été, plusieurs départements, en particulier dans la moitié sud du pays, ont déjà imposé des restrictions d’utilisation de l’eau. Et mercredi, le ministère de la Transition écologique a annoncé des mesures qui visent à « clarifier et renforcer » ces dispositions.

? État des nappes d’eau souterraine au 1er mai 2023

Que retenir ?

1??Les pluies de mars et avril ont rechargé les nappes réactives à peu inertielles des secteurs arrosés

2??La situation s’améliore considérablement sur le Massif armoricain, le littoral de la Manche et le Grand-Est pic.twitter.com/7Lo3PAr7Av — BRGM (@BRGM_fr) May 17, 2023

Lavage des véhicules, des voiries, arrosage des espaces verts privés et publics d’agrément, usages agricoles et industriels : les limitations sont nombreuses, notamment pour les zones placées au niveau crise dans les Pyrénées-Orientales, le Var, le Loiret, le Gard et les Bouches-du-Rhône.

1 500 euros d’amende

Dans ces secteurs, il est défendu de remplir ou de remettre à niveau les piscines, avec des amendes pouvant atteindre 1 500 euros pour les particuliers. « C’est absurde, on est bien obligé de dépenser de l’eau pour l’entretien et la remise à niveau et en plus, on paie déjà une taxe avec nos impôts fonciers », s’insurge Alain L., propriétaire d’un bassin dans le Loiret, qui annonce déjà qu’il « passera outre » si son secteur est placé au niveau crise.

Injuste pour certains, insuffisant pour d’autres : les maires d’Elne, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales) ou de Brando (Haute-Corse), ont prohibé la construction de piscines jusqu’à nouvel ordre. Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) étudie des mesures similaires et, dans le Var, les neuf communes du pays de Fayence ont proscrit les nouveaux bassins privés jusqu’en 2028.

Début mai, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé l’interdiction de la vente des piscines hors sol dans les Pyrénées-Orientales, touchées par une sécheresse exceptionnelle. « Le dérèglement climatique, c’est maintenant ; il faut qu’on sorte de la culture de l’abondance », a tonné le ministre, ravivant l’image de propriétaires de piscines gros consommateurs d’eau, dans un pays qui compte plus de 3,4 millions de bassins privés - dont environ la moitié hors sol, selon la Fédération des professionnels de la piscine (FPP). La France est le deuxième pays le plus équipé en piscines, derrière les États-Unis.

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« Ce n’est pas en interdisant les piscines qu’on va résoudre le problème de la sécheresse. Le principe d’une piscine, c’est de conserver l’eau pendant plusieurs années. On ne la vide jamais, cela peut mettre la structure en danger », proteste Joëlle Pulinx, déléguée générale de la FPP.

Selon la FPP, les bassins privés représentent 0,15 % de la consommation annuelle en eau. Un usage réduit de 45 % en 25 ans grâce à l’innovation (filtration plus efficace, couverture des bassins) et à la réduction des volumes installés. « On est les boucs émissaires dans cette histoire. C’est injuste de parler de culture de l’abondance. On est économe de notre eau », assure Jean-Louis Desjoyaux, président de la société éponyme, numéro un européen des piscines enterrées. Ce dernier rejette d’ailleurs l’image du propriétaire de piscine opulent : « Avoir une piscine, ce n’est pas être soumis à l’ISF. Ça s’est démocratisé. On a des premiers prix à 15 000 euros ».

Un milliard de mètres cubes d’eau perdus chaque année

Selon la FPP, 44 % des détenteurs de piscines enterrées sont employés, ouvriers ou agriculteurs. Le secteur est en plein boom, avec des années 2020 et 2021 record, mais les restrictions font craindre aux professionnels une perte d’activité. Jean-Louis Desjoyaux dit s’interroger sur l’avenir de ses concessionnaires indépendants, notamment dans le Var. « S’il n’y a pas de retour en arrière, cela peut aller tout droit à des faillites », détaille-t-il.

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« Dans le sud, on parle de PME de 11 salariés en moyenne qui peuvent mettre la clé sous la porte », poursuit Joëlle Pulinx, estimant qu’il « y a peut-être des économies à faire ailleurs » alors que près d’un milliard de mètres cubes d’eau sont perdus chaque année dans les canalisations, selon l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement et de l’Office de la biodiversité (OFB).

Le président Emmanuel Macron a annoncé, fin mars, un « plan de sobriété » sur l’eau pour tous les secteurs économiques. Les bassins de loisir n’y sont pas mentionnés, mais les plus gros consommateurs pourraient être concernés par la généralisation d’une « tarification progressive ».

Source: Le Télégramme