A Vienne, la fin du plus vieux journal du monde

May 19, 2023
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LETTRE D’EUROPE CENTRALE

Copie originale du premier journal imprimé, le « Wiennerisches Diarium », plus tard connu sous le nom de « Wiener Zeitung », imprimé en 1703. JOE KLAMAR / AFP

Judith Belfkih a une tâche particulièrement triste à accomplir pour une journaliste : celle de fermer son propre journal. Corédactrice en chef par intérim du quotidien autrichien Wiener Zeitung, cette femme de 47 ans au look sérieux et appliqué s’occupe actuellement de boucler les toutes dernières éditions du vétéran mondial de la presse écrite. Publié à Vienne depuis 1703, le Wiener Zeitung s’apprête en effet à imprimer son dernier numéro le 30 juin prochain, après plus de trois cents ans d’existence.

« Nous avions l’habitude de dire que nous sommes le plus ancien journal du monde publié sans interruption et toujours en activité », vante Mme Belfkih en faisant visiter les bureaux déjà à moitié vides de sa rédaction. Le spleen monte dans les couloirs au fur et à mesure que l’échéance approche. Même si le titre de plus ancien journal du monde est disputé par d’autres publications en Italie, il est clair que la fin du WZ va marquer l’histoire de la presse imprimée. Et de son déclin.

Fondé sous la monarchie autrichienne, avec le nom de Wienerisches Diarium, le quotidien restait en effet un pilier du paysage médiatique viennois même si sa diffusion payée était tombée en dessous des 8 000 copies. La fin de sa publication papier est une conséquence de la suppression annoncée de sa principale source de financement : son monopole sur la publication d’annonces légales.

« Impartial et objectif »

Le WZ a en effet un modèle quasi unique dans la presse occidentale. Propriété de l’Etat autrichien depuis le milieu du XIXe siècle après avoir été nationalisé par l’empereur François-Joseph de Habsbourg insatisfait par sa couverture des révolutions de 1848, le journal est resté depuis sous la tutelle du gouvernement. Même le prix de l’exemplaire – 1 euro seulement – se devait d’être approuvé par le Parlement.

Mais, à côté de sa partie Journal officiel, la rédaction d’une quarantaine de journalistes couvrait aussi l’actualité en jurant de son indépendance. « Je n’ai jamais eu à faire face à une influence politique », promet Mme Belfkih, entrée au WZ en 2010 et qui codirige la rédaction depuis que le rédacteur en chef a préféré partir plutôt que de devoir être celui qui éteindra les rotatives. Même s’il s’enorgueillit d’avoir été le premier journal en langue allemande à publier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 malgré les risques de censure de la très conservatrice Cour autrichienne de l’époque, le Wiener Zeitung a toutefois toujours défendu un style épuré et factuel. L’investigation n’est clairement pas son fort.

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Source: Le Monde