Eurostar d’un côté, trains de banlieue de l’autre : la gare du Nord, deux mondes parallèles au cœur de Paris

May 19, 2023
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ReportageChaque jour, ils sont 700 000 à fouler les quais de la gare la plus fréquentée d’Europe, où circulent aussi bien RER et trains de banlieue que les cossus Thalys et Eurostar. Un grand écart inscrit dans l’architecture même du bâtiment en cours de réaménagement en vue des Jeux olympiques de 2024.

Il y a ceux, comme le premier ministre du Royaume-Uni, Rishi Sunak, qui ne connaissent de la gare du Nord que les quais impeccables et sécurisés de l’Eurostar. Le 10 mars, il y a embarqué après le sommet franco-britannique et un tête-à-tête amical avec Emmanuel Macron. Dès son arrivée en gare, le jeune dirigeant a été accueilli par la directrice générale de la compagnie ferroviaire, Gwendoline Cazenave, entourée d’un aréopage de cadres souriants. Et puis il y a les autres, les citoyens lambda, qui s’entassent dans les RER ou ne voient du bâtiment que les halls de béton saturés de monde et les tableaux d’information clignotants qui annoncent, bien souvent, un nouveau retard sur une ligne de TER. Ce 10 mars, pour le quatrième jour de grève reconductible contre la réforme des retraites, alors que l’Eurostar de Rishi Sunak part à l’heure, des banlieusards épuisés téléphonent depuis les voies bondées, pour prévenir, encore, qu’on ne les attende pas.

Deux salles, deux ambiances. La gare du Nord est la plus fréquentée d’Europe, la troisième au niveau mondial : 700 000 voyageurs s’y pressent quotidiennement. Sur ses 32 voies, 2 500 trains partent ou arrivent chaque jour pour desservir quatre pays limitrophes (l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne), ainsi que les régions du nord de la France et la banlieue nord de Paris. Actuellement, le lieu, hérissé de palissades, se refait une beauté. « Avec la Coupe du monde de rugby en septembre et les JO en 2024, la gare du Nord va être une plaque tournante. Le projet de réaménagement Horizon 2024 a pour but de créer un effet “waouh” chez le voyageur qui arrive, de susciter une bonne première impression de la France », annonce le directeur de la gare, Bertrand Saint-Étienne, 32 ans, perché dans un bureau en bout de quai, avec vue sur les caténaires.

L’ex-auditeur de la Cour des comptes passe d’un chantier à l’autre : il pilotait encore l’année dernière la restauration de Notre-Dame de Paris, au côté du général Jean-Louis Georgelin. Epicentre des sites olympiques en juillet 2024, la gare du Nord est déjà le point névralgique du plan « zéro délinquance », lancé à l’automne par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. Grâce à des renforts policiers, il prévoit de « pacifier et apaiser » les abords des lieux des compétitions et les transports qui y mènent.

Capitales européennes et France périphérique

Malgré ces changements, l’énorme hub ferroviaire devrait rester le symbole d’une forme d’archipélisation du pays, de sa fragmentation en groupes ayant chacun leur mode de vie et leur vision du monde, selon le concept popularisé par Jérome Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’IFOP et auteur de L’Archipel français (Seuil, 2019). Dans cet observatoire qu’est la gare du Nord, qui a déjà fait l’objet ces dernières années d’un livre de Joy Sorman (Gallimard, 2011) et d’un film de Claire Simon (2013), toutes les composantes d’une société divisée coexistent.

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Source: Le Monde