Emmanuel Macron en lutte contre les déserts médicaux
REPORTAGE - Le président, resté loin des contestataires, veut donner aux praticiens «plus de temps devant les patients».
Envoyé spécial à Vendôme (Loir-et-Cher)
En rouge, une main a tagué un message catégorique à l’adresse d’Emmanuel Macron: «64, c’est non». L’a-t-il seulement vu à l’entrée de Vendôme (Loir-et-Cher), sur la route qui l’a conduit jusqu’à la maison de santé universitaire de la ville? Pour sa troisième visite de terrain depuis la promulgation de sa très controversée loi sur les retraites, ce mardi 25 avril, le chef de l’État a une nouvelle fois essayé de parler d’autre chose. Malgré le bruit persistant des casseroles, tambourinées par plusieurs dizaines d’opposants maintenus derrière un important dispositif de sécurité.
À l’intérieur de l’établissement, le tintement est plus étouffé. Devant une vingtaine d’internes, médecins et élus assis en arc de cercle, il est question de déserts médicaux, de formation des soignants et d’attractivité du métier. Le président de la République ne vient pas lister une série d’annonces. Il veut promettre de «continuer ce qui a été lancé», face aux inquiétudes relayées autour de lui par les professionnels. «Attirer les jeunes jusqu’à chez nous, le prévient Alain Aumaréchal, médecin généraliste, c’est plus compliqué».
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«Il faut nous donner les moyens», lui demande Arnaud Dupont, kinésithérapeute. Énième alerte de Bernard Baudron, président du conseil de l’Ordre des médecins du département: «Dans ces zones de déserts médicaux, la santé des gens est en danger.» Accompagné de son ministre de la Santé, François Braun, le président écoute et prend note.
«Me revoilà!»
Emmanuel Macron a prévenu: en matière de santé, comme d’éducation et de travail, il veut des «résultats concrets à court terme» pour sortir son quinquennat de l’enlisement. Mais il refuse les «solutions faciles». Alors que plusieurs élus, y compris dans son camp, lui demandent de réguler l’installation des médecins, lui «ne croit pas» à cette option. Son credo reste l’«incitatif», la «simplification» et la «coopération», afin de «créer une offre de soins» adaptée «aux besoins sur le terrain». Présent à ses côtés, l’un des partisans de la contrainte, le député (Renaissance) Christophe Marion, tente de garder la face: «Le travail et le combat continuent.»
Contre le déficit de médecins, la priorité est ailleurs pour le président de la République. Lui veut d’abord «inciter» les futurs retraités à «ne pas partir tout de suite». Il entend aussi «sauver du temps médical» pour donner aux praticiens «plus de temps devant les patients». Raison pour laquelle il souhaite accélérer le recrutement d’assistants médicaux et la délégation d’actes administratifs.
Après avoir quitté l’équipe de soignants, le chef de l’État a résumé son envie de mettre cette contestation à l’arrière-plan
Emmanuel Macron ne s’est toutefois pas étendu sur sa méthode pour «désengorger» les urgences dans les hôpitaux d’ici à la fin de l’année prochaine - l’un des objectifs fixés lors de son allocution télévisée du 17 avril. Il n’est pas non plus revenu sur l’une de ses propositions controversées: l’instauration de sanctions pour «responsabiliser» les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous. Charge à sa première ministre, Élisabeth Borne, de détailler mercredi toutes les mesures de l’exécutif, lors de la présentation de sa «feuille de route».
Affaibli par une impopularité record, le chef de l’État sait d’avance que son bilan ne suffit pas. Mardi, au lendemain du premier anniversaire de sa réélection, il a rappelé avoir supprimé le numerus clausus et doublé le nombre de maisons de santé, portées à 2250 dans l’Hexagone. Pourtant, en matière de soins, «tout le pays est en train d’être carencé», reconnaît le président, en citant les 600.000 à 700.000 malades chroniques sans médecin traitant. Une preuve, à ses yeux, que le système de santé est «à bout de souffle», victime d’une «crise sans fin». N’a-t-il pas promis de le «rebâtir», lors de son allocution, en annonçant «cent jours» pour agir «au service de la France»?
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Pendant cette période, Emmanuel Macron ambitionne de «se réengager dans le débat public». «Me revoilà!», a-t-il lancé mardi, en concluant un échange en aparté avec des journalistes. Application concrète: il a enchaîné en dix jours une allocution, trois déplacements, deux entretiens aux quotidiens régionaux et au Parisien. «Je ne sais pas si cela fera tourner la page des retraites, mais cela montre bien que ce n’est pas le seul enjeu», fait valoir le député Christophe Marion. «Les retraites, ce n’est que 10 % de mes discussions avec les habitants, loin derrière l’inflation et la désertification médicale!»
Emmanuel Macron n’a pourtant pas pu y échapper mardi, à Vendôme. Derrière les vitres de la maison de santé, des dizaines de syndicalistes ont occupé les voies de la gare, peu effrayés par l’arrêté préfectoral interdisant les manifestations - il a été suspendu dans l’après-midi par le tribunal administratif. Après avoir quitté l’équipe de soignants, le chef de l’État a résumé son envie de mettre cette contestation à l’arrière-plan. «Il faut regarder le cœur du sujet et de la vie de nos compatriotes et pas le décor», a-t-il insisté, avant de contourner le bain de foule et de retourner à Paris.
Source: Le Figaro