JO de Paris 2024 : Airbnb et Paris, lune de miel improbable ou trêve olympique provisoire ?

May 20, 2023
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Le chiffre a de quoi donner le tournis : selon une étude du cabinet Deloitte, Airbnb pourrait battre un record pour les JO de Paris. La plateforme de location saisonnière devrait générer environ un milliard d’euros de retombées économiques, avec 130.000 hôtes qui proposeront un hébergement à quelque 560.000 touristes, pendant toute la durée des Jeux olympiques et paralympiques. Cela représente environ le double du nombre global de voyageurs accueillis en région parisienne pendant la même période en 2022, précise Airbnb, qui a commandé l’étude. L’occasion d’affirmer un peu plus sa place de mastodonte du marché en Europe, mais aussi d’aviver les crispations qu’elle engendre dans la capitale française.

« A Paris, notre stratégie est double : responsabiliser les propriétaires et responsabiliser la plateforme, assène Ian Brossat, adjoint au logement à la mairie dans la capitale. Sur chaque location, Airbnb touche une commission. Si la location est illégale, elle porte une part de responsabilité. Pendant longtemps, Airbnb s’en est lavé les mains, argumentant que seul le propriétaire était responsable, mais c’est en train de changer. » Il admet d’ailleurs que la condamnation à payer 8 millions d’euros d’amende à la Ville en 2021 a, contre toute attente, détendu les relations entre les deux parties. En vue des JO ?

« Ni anti-Airbnb, ni antitourisme »

« Le logement est aujourd’hui devenu un objet spéculatif », rappelait Iñaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantiques (PS), quand il déambulait, il y a quelques jours, dans le centre touristique de Paris, avec Dorine Bregman, adjointe à la mairie de Paris-centre, chargée des commerces. Il est notamment à l’initiative de la proposition de loi sur l’encadrement des meublés touristiques, qui doit passer dans l’hémicycle mi-juin. Mais Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo, qui était également à leurs côtés, l’a clairement affirmé : Airbnb n’est pas la cible. « On ne veut pas interdire la location aux touristes dans ces zones-là mais bien la professionnalisation de certains, qui proposeraient des logements exclusivement dédiés », adhérant au passage à la volonté de la plateforme « de revenir aux sources », comme l’a affirmé Brian Chesky, le PDG d’Airbnb, dans Les Echos.

« Ni anti-Airbnb, ni antitourisme », comme l’a martelé Iñaki Echaniz à propos de la proposition de loi, la Ville de Paris a cependant été une des premières à encadrer strictement les locations de meublés touristiques depuis plusieurs années. Et à se battre frontalement et indirectement contre le géant américain de location de logements touristiques, malgré l’organisation des Jeux olympiques sur son territoire en 2024 ?

Durant les quelques semaines de compétition, il faudra loger sur le territoire un surplus de quelque 15 millions de visiteurs, même si Emmanuel Grégoire affirme qu'« il n’y aura pas une surdemande par rapport à une saison normale de tourisme fin juillet ». Ian Brossat renchérit : « Les Jeux olympiques, ça ne dure que trois semaines et on a besoin de régulation toute l’année. Nous sommes pour la location occasionnelle mais contre la transformation de logements en machine à cash pour loger des touristes, JO ou pas. »

Un « effet JO » non négligeable sur les locations de meublés touristiques

A ce sujet, Airbnb rappelle que « la part des hôtes louant leur résidence principale à Paris a progressé de 60 % en 2022 par rapport à l’année précédente, et les trois quarts des hébergements loués l’an dernier dans la capitale française sur Airbnb étaient des résidences principales ou des chambres chez l’habitant ». « Si fin juillet 2024, des Parisiens partent en vacances et souhaitent louer leur logement dans le cadre de la réglementation, ça ne me gêne pas du tout, affirmait encore Emmanuel Grégoire. C’est le cas tous les étés et il n’y aura pas de changement à ce niveau, car nous n’en avons pas les moyens juridiques et, en l’occurrence, on n’en voit pas l’intérêt dans ces cas-là. Paris coûte toujours plus cher quand on veut y passer un 31 décembre qu’un 1er octobre. C’est la loi de l’offre et de la demande. »

Chez Guest Ready, gestionnaire de propriétés pour la location de courte et moyenne durée, dont la très grande majorité des 900 biens à son catalogue est disponible sur Airbnb, on se réjouit déjà de « l’effet JO » : « Aujourd’hui, sur les demandes des propriétaires qu’on reçoit, plus des deux tiers nous parlent d’ores et déjà des JO. Un tel événement est une aubaine pour mettre l’accent sur notre activité, démontrer à quel point c’est une possibilité de compléter ses revenus quand on part en vacances », se félicite Raphaël Oren, directeur général.

Adapter l’offre à la réglementation

Airbnb semble donc avoir redoré un blason, à peine écorché par ses démêlés avec la justice et sa relation chaotique avec la ville de Paris. Selon un sondage réalisé par l’Ifop, près de 20 % des Franciliens qui ne louent pas encore leur logement sur Airbnb prévoient d’ouvrir leurs portes à des hôtes du monde entier pendant la période des Jeux. « Chez Guest Ready, on table sur une forte croissance, avec 1.500 biens en gestion d’ici à l’été 2024 », partage Raphaël Oren.

Alors que Paris vient d’annoncer que certaines zones, parmi les plus touristiques de la capitale, seront interdites aux créations de nouveaux meublés touristiques parce que l’offre est déjà surabondante, ces restrictions ne semblent pas inquiéter les professionnels du marché. « On a la chance, dans notre capitale, d’avoir une réglementation stricte, l’une des plus encadrées en Europe, qui donne un cadre clair et logique, estime encore le directeur général de Guest Ready. Il nous suffit d’adapter notre offre. » Même son de cloche du côté de la plateforme Airbnb herself, qui « s’engage, en tant que partenaire mondial des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, à faire de cet événement unique un succès pour tous, qu’il s’agisse de répondre aux besoins d’hébergement des athlètes et du comité d’organisation, de susciter des rencontres uniques pendant les Jeux ou de diffuser des bénéfices à long terme en France ».

Airbnb partenaire du CIO et non du Cojop

Le comité d’organisation (Cojop) rappelle tout de même qu’Airbnb est bien un sponsor du Comité international olympique (CIO), mais que « Paris 2024 n’est pas partie prenante des discussions sur la conclusion du contrat ». Pour héberger les athlètes, les médias, les comités olympiques et paralympiques et l’ensemble des officiels, il s’est appuyé sur les acteurs de l’hôtellerie française, auprès desquels il a déjà réservé 47.000 chambres, dont 42.000 en Ile-de-France. « Les hôteliers n’ont pas à avoir peur des locations type Airbnb sur la période JO, parce que la demande va être tellement importante qu’il y en aura largement pour tous les types d’hébergement », assure Raphaël Oren. C’est même la solution pour remédier à des capacités d’hébergement réduites sur une période de forte affluence.

« Airbnb proposera une offre diversifiée et complémentaire à celle de l’hôtellerie traditionnelle, pour faire en sorte de garantir la meilleure expérience possible pendant les Jeux », appuie le Cojop. Mais quid de l’après ? Paris pourrait-il emboîter le pas à Amsterdam et interdire un jour Airbnb sur son territoire ? « La loi française, aujourd’hui, ne le permet pas, rappelle Ian Brossat. Ça fait partie des pistes de réflexion, même si le problème porte uniquement sur l’expansion de locations meublées, qui prive à terme les résidents permanents de logements. » Airbnb à Paris, c’est donc loin d’être fini.

Source: 20 Minutes