Immobilier : achat, location, emprunt… La crise du marché immobilier se poursuit

May 20, 2023
59 views

Ces derniers mois, la situation se tend sur le marché immobilier. À chaque étape, les Français rencontrent des difficultés. Nous avons recueilli leurs témoignages, et les explications d’experts.

1. « Je ne peux plus acheter »

Depuis plusieurs mois, je suis en quête d’une petite maison de ville à Rennes. Les biens sont rares et n’appartiennent qu’à des couples qui se séparent. Moi célibataire, les banques me proposent un taux de 3,85 % sur 25 ans , raconte Cathy, 40 ans, salariée à Rennes.

Emprunter coûte de plus en plus cher. La faute à des taux d’intérêt qui remontent : après un plancher à 1,13 % en janvier 2022, ils sont remontés en moyenne à 3,39 % ces trois derniers mois, selon la Banque de France (moyenne des prêts de plus de 20 ans).

Or, l’endettement des ménages ne peut pas dépasser 35 % de leurs revenus. Pour une même mensualité, ils peuvent donc emprunter un capital moins élevé. Cela les oblige à revoir leur projet immobilier à la baisse – acheter plus petit, ou bien plus loin. Pour le même budget, les gens ont perdu une pièce et demie en quelques mois , constate Karine Bonnet, de l’agence Abélard Immobilier, au Pallet, dans le vignoble nantais. Autre conséquence, les banques accordent moins de crédits : le nombre de prêts bancaires alloués est en baisse de 40 % en avril 2023, en glissement annuel, selon

La raison ? Un retour à la normale. Ce resserrement du crédit « fait suite à plusieurs années de très forte croissance du crédit à des taux très bas , souligne ainsi la Banque de France, qui rappelle que les taux de crédits inférieurs à 3 % correspondaient à « toute la période de politique monétaire ultra-accommodante de la BCE . La tendance va se poursuivre. Les taux devraient encore augmenter dans les mois qui viennent, pour atteindre près de 4 % cet été.

Les taux d’intérêt sur les prêts du secteur bancaire. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE Voir en plein écran Les taux d’intérêt sur les prêts du secteur bancaire. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE

2. « J’ai du mal à vendre »

« Quand j’ai mis mon appartement parisien en vente, je pensais qu’il partirait très vite, en un mois ou deux. Mais l’époque où les acheteurs se précipitaient est révolue. En plus, ce logement est classé G, ce qui veut dire qu’il faudra prévoir des travaux d’isolation. J’ai déjà baissé mon prix de 42 000 €, et je crains de devoir le baisser encore », souligne Raphaël, néorennais de 42 ans (le prix est passé de 528 000 à 486 000 €, soit moins 8 %)

Paradoxe : le marché immobilier comporte à la fois des personnes qui ne peuvent plus acheter, et d’autres qui ne parviennent pas à vendre. Soit que les acquéreurs potentiels aient vu leur capacité d’emprunt diminuer. Soit qu’ils adoptent une stratégie attentiste : ils anticipent une baisse des prix, à juste titre. Ainsi, le taux de désistement des personnes qui déposent une offre d’achat aurait atteint 40 % au premier trimestre 2023, selon Les Échos.

Le marché devrait atteindre un nouvel équilibre par une baisse des prix. La tendance est déjà baissière : les prix dans l’ancien ont baissé de 0,5 % au cours du premier trimestre 2023, selon Meilleurstaux.com, mais la correction devrait atteindre 10 % pour compenser la hausse des taux d’intérêt. Pas plus, cependant : « un effondrement des prix de l’immobilier n’est pas à craindre, étant donné que la demande reste toujours supérieure à la production de logements neufs , commentent les spécialistes sur ce portail.

3. « Je n’arrive pas à me loger »

Comment je fais ? J’ai bien les moyens de payer une colocation mais tout est pris d’assaut. On arrive après la bataille sur les plateformes dédiées. Le bouche-à-oreille fonctionne à fond. Les bons plans sont gardés précieusement en boucle interne », déplore Margot, salariée de 27 ans, à Nantes, qui cherche une colocation.

Les ménages, ou les jeunes salariés, qui ne peuvent plus acheter se reportent vers la location ou restent plus longtemps dans leur logement. Ce ralentissement de la rotation sature un marché locatif déjà tendu. La demande augmente, tandis que l’offre baisse. En janvier 2023, le nombre de logements à louer était en baisse de plus de 30 % par rapport au même mois de l’an dernier, selon le site d’annonces Bien’Ici.

Si l’offre de logements diminue, c’est en partie à cause de l’interdiction de mise en location des 140 000 logements considérés comme les pires « passoires thermiques » (classées G + ) depuis le 1er janvier 2023. Qui dit déséquilibre, dit hausse des loyers ? Eh bien non. L’observatoire Clameur, qui agrège des fédérations de l’immobilier privé, ne montre pas de hausse des loyers moyens. Ils ont évolué moins vite que l’inflation. Mais de plus en plus de Français sont contraints de se tourner vers le logement social. Fin 2022, un total de 2 423 000 ménages était en demande d’un logement social, en hausse de 7 % sur un an.

Et la pénurie de logements à louer est aussi alimentée par la baisse de la construction.

Les volumes des prêts immobiliers s’écroulent. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE Voir en plein écran Les volumes des prêts immobiliers s’écroulent. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE

4. « Mon chantier a vu son budget exploser »

Nous sommes partis pour des travaux conséquents de rénovation et extension dans notre nouveau pavillon à Saint-Herblain en mai 2022. Le surplus est de 10 000 € en un an. Cerise sur le gâteau, nous n’avons toujours pas vendu notre ancienne maison », explique ce jeune couple de retraités près de Nantes.

Avec le renchérissement des matières premières – notamment la brique et le ciment – construire une maison neuve , ou se lancer dans une rénovation globale, coûte « 15 % de plus , selon une architecte rennaise. Parfois beaucoup plus. « Depuis la crise sanitaire, le coût d’une construction neuve a augmenté de 40 % , déclare un commercial chez MTC à Ouest-France.

Dans l’ensemble, les prix ont augmenté de l’ordre de 25 000 € en un an , selon la Fédération des constructeurs de maisons individuelles. Il faut compter 190 000 € en moyenne, sans le terrain. De quoi dissuader les jeunes ménages. En mars, le nombre de permis de construire a baissé de 11,5 % comparé à mars 2022, selon le ministère de la Transition écologique. Tandis que le nombre de chantiers commencés, lui, a reculé de 8,3 % sur un an.

Les causes sont multiples : coût du crédit, hausse des coûts de construction, tandis que l’objectif “zéro artificialisation nette des sols” freine la construction de maisons.

En outre, le délai moyen de réalisation d’un chantier s’est accru de 2 à 3 mois, et dépasse régulièrement 15 mois, par manque de certains matériaux comme les menuiseries.

Source: Ouest-France