Pourquoi TotalEnergies n’a-t-elle toujours pas retrouvé ses records en Bourse malgré des bénéfices au plus haut ?

April 24, 2023
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Par Marjorie Encelot

Publié le 24 avr. 2023 à 12:55 Mis à jour le 24 avr. 2023 à 13:22

Cette semaine, ce sont vingt entreprises du Cac 40, soit la moitié des composantes de l’indice, qui publieront leur chiffre d’affaires et/ou résultats complets pour le premier trimestre. Les comptes de TotalEnergies sont au programme de jeudi. La multinationale française, avec l’espagnole Repsol, sera la première des grandes compagnies pétrolières européennes intégrées à rendre sa copie, avant l’italienne Eni vendredi et les britanniques BP et Shell la semaine prochaine. La banque privée Oddo BHF s’attend à « un bon trimestre malgré le repli ponctuel du prix du pétrole » en raison des craintes de récession. Le cours du Brent a reculé de 7,7 dollars (-8,6%) au premier trimestre par rapport aux trois derniers mois de l’année 2022, pour afficher une moyenne de à 81,2 dollars par baril. Il est en baisse de plus de 20% sur un an (moyenne de 102,2 dollars au premier trimestre 2022). Mais même à ce prix, bien en deçà des presque 140 dollars atteints l’année dernière dans le sillage de la guerre en Ukraine, les compagnies restent très rentables au regard d’un point d’équilibre autour de 40 à 45 dollars.

L’analyste Marc Lavaud écrit dans une note que, chez Oddo BHF, ils voient « TotalEnergies, Eni et BP afficher des résultats résilients, en baisse de seulement 11%. A l’inverse, nous tablons sur une baisse de 41% pour [la norvégienne] Equinor, la valeur la plus exposée au déclin du prix du gaz en Europe. » Selon la banque, « les pétrolières devraient générer un rendement du free cash-flow de plus de 15%. Ceci permet d’assurer le maintien des retours aux actionnaires, qui dépassent les 11% grâce aux dividendes (en hausse moyenne de 4%) et aux programmes de rachat d’actions qui s’annoncent stables. » TotalEnergies, Shell et Repsol sont les compagnies pétrolières préférées d’Oddo BHF. En incluant le filtre ESG, la française est le choix « best-in-class » de la banque, qui projette que les actions de la major atteignent un record de 72 euros (+26% de potentiel).

Et pourtant, même si TotalEnergies est considéré comme l’un des meilleurs élèves de son métier selon les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), ses actions n’échappent pas à la forte décote de valorisation dont souffrent les compagnies pétrolières européennes en Bourse par rapport à leurs homologues américaines, Exxon et Chevron. La décote, de l’ordre de 30 à 40%, est même à des niveaux jamais vu depuis au moins vingt ans, calcule Jefferies. Les analystes et stratégistes de la banque d’investissement ont mené l’enquête pour comprendre les raisons de cette sous-valorisation relative.

Les compagnies européennes sont valorisées 30 à 40% de moins que les américaines, Exxon et Chevron

Politique d’exclusion des énergies fossiles

Pourquoi, selon les estimations FactSet, TotalEnergies ne se paye aujourd’hui que six fois les bénéfices estimés pour 2023 alors que les américaines affichent un ratio de plus de dix ? Comment expliquer qu’Exxon enchaînait, jusqu’à récemment encore, les sommets boursiers alors que la française, malgré un bénéfice net record de plus de 20 milliards de dollars en 2022, n’a fait - au mieux - que venir flirter avec ses plus hauts qui datent de 2007 ? Parce que « les investisseurs européens se concentrent davantage sur l'investissement durable et les risques liés à la transition énergétique des compagnies pétrolières intégrées. »

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Jefferies constate que « la taille du marché ESG en Europe [quelque 3.000 milliards de dollars sur un total de plus de 10.000 milliards] est environ dix fois celle des États-Unis, et plus de 40% (environ 1.200 milliards de dollars) des fonds ESG ont une politique explicite d'exclusion des entreprises utilisant des combustibles fossiles. » L'investissement ESG et durable en Europe, observe-t-on chez Jefferies, a connu une trajectoire ascendante au cours des cinq dernières années. « Bien qu'il existe différentes approches, plus de 25% du marché des fonds domiciliés en Europe identifient leurs produits comme étant durables. Le contraste est saisissant avec les États-Unis, où moins de 1% du marché est classé comme durable. »

D'ici à 2025, les compagnies pétrolières internationales prévoient d'investir environ 30% de leur budget dans des activités à faible émission carbone, avec une grande disparité de part et d’autre de l’Atlantique. « Nous pensons que les européennes consacreront 20 à 50% de leur budget, tandis que les américaines maintiendront leur allocation à 10-15%, table la banque d’investissement Jefferies. Nous pensons que l'accent mis par les sociétés européennes sur les investissements liés à la transition énergétique ne joue pas en leur faveur, du moins pour l'instant : elles ne sont pas matériellement récompensées par les investisseurs axés sur le développement durable pour avoir des plans de décarbonisation ambitieux », à cause des craintes qu’ont les investisseurs d’une « diminution de la part des flux de trésorerie allouée aux distributions aux actionnaires. » En clair, ils ont peur que si TotalEnergies dépense davantage d’argent pour financer les énergies propres, elle en aura moins pour payer des dividendes.

Source: Investir