Numérique à l’école : la Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et fait marche arrière

May 21, 2023
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Des élèves de maternelle travaillent avec des tablettes, dans une école de Stockholm, le 3 mars 2014. JONATHAN NACKSTRAND / AFP

Est-on allé trop vite, trop loin, trop tôt ? Depuis quelques mois, cette petite musique monte en Suède. Elle questionne la place des écrans et du numérique dans les établissements scolaires du royaume, remise en cause par les professionnels de la santé.

Le 15 mai, la ministre des écoles, Lotta Edholm, a réagi en enterrant la stratégie de l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket), en faveur de la poursuite du numérique, présentée en décembre 2022.

A l’époque, déjà, la ministre avait exprimé ses doutes, dans une tribune publiée dans le journal Expressen, le 21 décembre. Elle y qualifiait l’usage du numérique dans les écoles suédoises d’« expérimentation » et s’agaçait de « l’attitude dépourvue d’esprit critique qui considérait, avec désinvolture, la numérisation comme bonne, quel que soit son contenu », conduisant à « la mise à l’écart » du manuel scolaire, dont elle rappelait qu’il a « des avantages qu’aucune tablette ne peut remplacer ».

Pour y remédier, le gouvernement de centre-droit a annoncé qu’il allait débloquer 685 millions de couronnes (60 millions d’euros) cette année et 500 millions (44 millions d’euros) par an en 2024 et en 2025, pour accélérer le retour des manuels dans les établissements scolaires. « Cela fait partie du retour de la lecture à l’école, au détriment du temps d’écran », expliquait la ministre. Objectif : garantir un livre par élève et par matière.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis une quinzaine d’années, les écrans ont progressivement remplacé les manuels. A partir du collège, surtout, les élèves passent de plus en plus de temps devant les ordinateurs, en général fournis par l’établissement : peu importent les matières, ils doivent se connecter à Internet, pour chercher des informations en ligne, rédiger un devoir ou faire leurs révisions.

« Démocratie et égalité »

Il n’existe cependant aucune statistique sur le temps passé par les jeunes Suédois devant un écran à l’école. Il varie d’un établissement à l’autre, et dépend des enseignants – de leur intérêt pour le numérique et de leur niveau de formation, qui fluctue d’une commune à l’autre, en fonction de l’engagement financier des municipalités. Début décembre 2022, dans une enquête réalisée auprès de 2 000 professeurs par leur syndicat, près d’un enseignant sur cinq en moyenne estimait que ses élèves écrivaient rarement ou jamais à la main. Au collège, ils étaient 35,3 % des enseignants et 56,8 % au lycée.

Dans sa croisade menée contre les écrans, la ministre des écoles les a jugés responsables du recul des compétences des jeunes Suédois en lecture et en compréhension, mis en évidence par l’étude Progress in International Reading Literacy Study (Pirls), réalisée dans cinquante-sept pays et publiée le 16 mai – leur niveau restant toutefois supérieur à la moyenne européenne. C’est aussi en raison, selon elle, de l’omniprésence des écrans que les élèves ont perdu l’habitude de lire, que les enseignants utilisent des polycopiés (faute de manuels) et que les parents sont incapables d’aider leurs enfants.

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Source: Le Monde