En Lituanie, la double peine des exilés biélorusses

April 24, 2023
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Svetlana Tsikhanovskaïa, cheffe de l’opposition biélorusse en exil, lors du Forum économique mondial, à Davos (Suisse), le 19 janvier 2023. FABRICE COFFRINI / AFP

Nastassya, 20 ans, a fui la Biélorussie il y a un an et demi après une descente de police chez elle. La jeune femme – dont le nom est tenu secret pour ne pas mettre en danger sa famille, encore à Minsk et persécutée par le régime – avait participé aux manifestations contre Alexandre Loukachenko, réélu à la présidence en août 2020 à l’issue d’un scrutin truqué.

Cette étudiante aux longs cheveux blonds vit aujourd’hui à Vilnius, en Lituanie, où se sont réfugiés plus de 20 000 Biélorusses après la répression brutale de la contestation. Des dizaines de milliers d’autres ont fui en Pologne, en République tchèque ou encore en Ukraine. Samedi 22 et dimanche 23 avril, elle faisait partie des volontaires venus prêter main-forte pour la deuxième conférence de la diaspora biélorusse, un événement organisé par la cheffe de l’opposition en exil, Svetlana Tsikhanovskaïa.

« Ces gens sont traumatisés »

Une centaine de personnes, venues du monde entier, étaient présentes pour échanger sur les difficultés liées à cette nouvelle vie en exil, réfléchir à la façon de poursuivre la résistance de l’extérieur et aider ceux qui sont encore en Biélorussie, où la répression se poursuit et où stationnent des troupes russes pour attaquer l’Ukraine. Des représentants des « ambassades populaires de Biélorussie », créées en décembre 2020 et présentes dans 21 pays, étaient là eux aussi, même si ces structures visant à aider les Biélorusses à l’étranger et « défendre les intérêts de la Biélorussie démocratique » sont encore mal connues des exilés eux-mêmes.

Le deuxième jour, Nastassya s’est avancée timidement. « J’ai quelque chose d’important à vous dire », confie-t-elle, la voix tremblante. Elle désigne les participants. « Ici les gens sourient et essayent de construire la future Biélorussie, mais il ne faut pas oublier une chose : tous ces gens sont traumatisés, confie la jeune opposante, très émue. La plupart ont été battus, arrêtés, emprisonnés, et parfois violés pour avoir défendu leurs droits et leur liberté. Aucun de nous ne pourra retourner dans notre pays. Ce n’est pas simple à vivre. Mais, depuis l’invasion de l’Ukraine, ce que je ressens le plus, c’est de la culpabilité. » Son pays est devenu la base arrière du Kremlin pour mener la guerre. L’étudiante n’arrête pas d’y penser. « Je me dis que je n’ai pas fait assez pour éviter ça. »

Ce sentiment de culpabilité est renforcé par les critiques d’une partie des Ukrainiens, en particulier sur les réseaux sociaux. Aliaksandra, 23 ans, s’entend dire régulièrement que « tous les Biélorusses sont coupables » et que leur nation est une « honte ». Cette autre manifestante contre le régime de Loukachenko, elle aussi réfugiée à Vilnius pour sa sécurité, encaisse les critiques. « Je sais qu’il faudra du temps pour qu’ils prennent conscience qu’on est du même côté qu’eux. Quand je croise des étudiants ukrainiens, je leur dis toujours : “Je comprends que vous nous considériez mal, mais sachez que vous avez tout notre soutien.” » Une solidarité qui se traduit notamment par des donations, et par l’engagement des volontaires biélorusses du bataillon Kastous-Kalinowski en Ukraine.

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Source: Le Monde