Soudan : " La guerre est le résultat d’une longue tension, d’une rivalité d’ailleurs à peine dissimulée, entre les deux acteurs principaux du pouvoir "

April 24, 2023
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Bonjour Gabriel,

Je crois qu’il faut retenir une idée importante à ce sujet : certes, un bon nombre de pays ont des intérêts au Soudan, à commencer par l’Egypte, les pays du Golfe (au premier rang desquels l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis) mais aussi la Turquie, la Russie, etc. La plupart de ces acteurs voient sans doute avec terreur le mécanisme d’autodestruction à l’œuvre au Soudan : la guerre s’est allumée à la fois à Khartoum et dans différents points du pays, surtout au Darfour, mais elle menace d’être extrêmement destructrice.

Les pays du Golfe ont à la fois une stratégie de puissances régionales et des intérêts particuliers sur place, ayant trait par exemple au contrôle de vastes terres arables. Ce ne sont pas des objectifs qui justifient de « soutenir » un acteur au point de jeter de l’huile sur le feu en lui fournissant un avantage militaire décisif.

Dans ce contexte à risque, il est infiniment plus important de ramener le calme, pour éviter la destruction du Soudan. D’ailleurs, parmi les pays qui exercent une influence, une grande partie d’entre eux entretiennent des relations avec les deux acteurs du conflit. La situation n’est pas complètement polarisée, et les nations qui s’impliquent au Soudan n’ont pas, dans l’ensemble, d’intérêt à ce que les deux camps aillent plus loin dans la violence.

Cela étant dit, il y a des appuis discrets, parfois difficiles à mettre en évidence, qui compliquent un peu le jeu. L’Egypte, par exemple, est très nettement favorable au général Al-Bourhane. L’Ethiopie voisine est vue comme proche de « Hemetti », la Russie a des intérêts aussi, etc. Il y a cependant une forme de grande « centralité » du Soudan au croisement du Golfe, de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Nord, qui contraint les différents acteurs à un peu de mesure. Si le Soudan s’effondre, demain, l’Egypte peut s’imaginer avec, à ses portes, un grand nombre de réfugiés, ce dont nul ne veut au Caire.

Jean-Philippe Rémy

Source: Le Monde