Martin Amis : la mort d’un écrivain surdoué au verbe haut en couleur

May 21, 2023
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Martin Amis, le 15 janvier 1997, à Paris, aux éditions Gallimard. ISABELLE LÉVY-LEHMANN

Epoustouflant jongleur de mots, sculpteur hors pair de la langue anglaise, l’écrivain britannique Martin Amis, auteur de Money, Money (Mazarine, 1984) et de London Fields (Christian Bourgois, 1992) est mort d’un cancer de l’œsophage, vendredi 19 mai, à son domicile de Lake Worth (Floride). Ironie du calendrier : l’adaptation, par le réalisateur britannique Jonathan Glaser, de l’un de ses livres majeurs, La Zone d’intérêt (Calmann Levy, 2014), était présentée à Cannes le jour de sa mort. Il était âgé de 74 ans.

Une personnalité, Martin Amis ! Brillante et tortueuse. Avec toujours une part d’opacité, à l’image de ses livres. Surdoué au verbe haut en couleur, ce dandy séducteur maniait l’ironie comme personne.

Mais il était également réputé pour son mordant et sa férocité. De son propre aveu, il méritait les mille et une épithètes qu’on lui avait accolées tout au long de sa carrière : arrogant, égotiste, narquois, provocateur, teigneux, misogyne, élitiste…

Elitiste revendiqué

« Elitiste ? Bien sûr que je suis élitiste… Pourquoi serait-il mal vu de l’être dans le domaine de la culture ? Elitiste, je le suis quand je prends l’avion ou quand je vais chez le médecin. J’exige le meilleur, pas vous ? », nous rétorquait-il lors d’un passage à Paris, en 2013.

En 2013 : Article réservé à nos abonnés Martin Amis : "L'écriture est liée à l'amour" Ajouter à vos sélections Ajouter à vos sélections Pour ajouter l’article à vos sélections

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Il lâchait ses mots plus qu’il ne les mâchait. Dans Guerre au cliché (Gallimard, 2007), un recueil regroupant des critiques littéraires rédigées pour la presse britannique pendant trois décennies (1971-2000), Amis jubilait en épinglant, les uns après les autres, ses confrères américains. Philip Roth : « Malgré la bêtise croissante de ses romans depuis Portnoy et son complexe, la qualité de son écriture n’a cessé de s’améliorer. » Norman Mailer : « Son nouveau livre porte tous les signes d’un écrivain condamné à verser une pension alimentaire de 500 000 dollars par an. » Tom Wolfe : « On dirait que sa machine à écrire ne marche pas bien. On soupçonne un fonctionnement défectueux de la touche “répétition”. »

Le jour de notre rencontre, c’est Beckett qu’il avait en ligne de mire. « Non, je n’aime pas ses pièces. Dans La Transparence des choses, Nabokov décrit un ermite assis nu sur un siège de toilettes déglingué. Il suggère que cette image à elle seule résume tout le théâtre de Beckett. Ces lignes m’ont toujours fait sourire. »

Pour qui se prenait Martin Amis ? Pour quelqu’un qui avait grandi avec une petite cuillère (ou plutôt un stylo) en argent dans la bouche, répondaient en substance ses (nombreux) détracteurs. Né à Swansea, au sud du Pays de Galles, le 25 août 1949, Amis était le fils de Sir Kingsley Amis (1922-1995), écrivain membre du mouvement littéraire des « Angry Young Men » (« jeunes hommes en colère ») dans les années 1950, auteur de nombreux livres dont le best-seller Lucky Jim (« Jim la chance », Plon, 1956) et même, sous un pseudonyme, d’une aventure de James Bond en 1968.

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Source: Le Monde