Jean Pisani-Ferry : " Nous préconisons un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des plus aisés pour la transition climatique "

May 22, 2023
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L’économiste Jean Pisani-Ferry, le 5 mars 2019, à Paris. JULIEN DANIEL / MYOP / POUR « LE MONDE »

Professeur à Sciences Po et membre des think tanks Bruegel et Peterson Institute, Jean Pisani-Ferry a été l’un des principaux artisans du programme d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017. Proche du chef de l’Etat, l’ancien commissaire général de France Stratégie sonne l’alarme face aux défis environnementaux qui attendent la France et leurs conséquences économiques et sociales. « Le coût économique de la transition ne sera accepté que si les sacrifices sont équitablement répartis », explique-t-il.

Dans votre rapport, vous dressez un constat très noir de l’adaptation aux enjeux climatiques, évoquant la « décennie de toutes les difficultés ». Peut-on encore être optimiste sur le sujet ?

Si l’on veut respecter l’objectif de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, on va devoir faire en dix ans ce qu’on a à peine fait en trente ans. Cela vous donne une idée de l’accélération nécessaire ! Dans un premier temps, la transition climatique ne va pas créer de richesse : c’est, au contraire, un choc économique négatif. Au-delà de 2030, il y a des raisons d’être optimiste : la chute du coût des énergies renouvelables montre bien que la dépendance aux combustibles fossiles nous a longtemps détournés d’un progrès technique qui ne demandait qu’à être tiré du sommeil. Il y aura des gains économiques et de bien-être. Mais, en attendant, nous sommes face à un mur qu’il faut escalader. Ne nous cachons pas la réalité des difficultés : c’est une vraie révolution industrielle, et ce n’est pas gagné. On le voit aussi ailleurs, comme en Allemagne, avec les crispations de l’industrie automobile face à la fin annoncée du moteur thermique en 2035.

« Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas », lançait Emmanuel Macron à Marseille il y a un an, durant la campagne présidentielle. A-t-on perdu du temps ?

Entre 2017 et 2022, oui. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a commencé avec l’idée que la fiscalité carbone allait « faire le job », mais le gouvernement a dû reculer face aux « gilets jaunes ». Puis la convention citoyenne pour le climat a fait des propositions pratiques [mi-2020], mais sans les évaluer par rapport aux objectifs fixés. On est passé de « on va tout faire par les prix » à « on va tout faire par des mesures pratiques ». Ni l’un ni l’autre ne fonctionne.

Depuis 2022, le travail est en train de se faire, notamment au niveau du secrétariat général à la planification écologique [rattaché à Matignon], mais les décisions politiques ne sont pas encore prises. Nous ne sommes pas sur la trajectoire de la neutralité carbone en 2050. Le gouvernement doit trancher sur la répartition des actions dans le temps, sur l’ampleur du soutien aux ménages et sur l’accompagnement de la transition en matière de marché du travail et de compétences : cela demande une planification sur trente ans.

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Source: Le Monde