Jean Pisani-Ferry appelle dans un rapport à financer plus équitablement la transition climatique

May 22, 2023
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Voilà qui va relancer les débats sur le cap à donner au second quinquennat d’Emmanuel Macron et la place des enjeux climatiques dans la politique gouvernementale. Dans un rapport intitulé « Les incidences économiques de l’action pour le climat », qui devait être rendu public lundi 22 mai et auquel Le Monde a pu avoir accès, Jean Pisani-Ferry, professeur à Sciences Po et membre des think tanks Bruegel et Peterson Institute, souligne l’urgence de la situation : « Il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans. L’accélération est brutale », assène-t-il.

Dans ce travail de plus de 150 pages, réalisé avec l’inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz, rapporteuse de la mission, et avec le concours de France Stratégie, l’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon, M. Pisani-Ferry, qui fut un pilier de la campagne présidentielle de M. Macron en 2017, chiffre le coût faramineux de l’adaptation aux objectifs environnementaux : de 250 à 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030, et jusqu’à 34 milliards d’investissement public supplémentaire par an à cet horizon.

Pour financer ces montants, il appelle à « programmer l’investissement climat sur trois décennies », plaide pour un recours massif à l’endettement et préconise de mettre en place un « impôt exceptionnel et temporaire » sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés, à hauteur de 5 milliards d’euros par an.

Missionné, en septembre 2022, par la première ministre, Elisabeth Borne, M. Pisani-Ferry avait remis, en novembre, une première note d’étape à Matignon. Il y alertait, déjà, sur le « changement profond de modèle de développement » du pays qu’allait nécessiter l’objectif de neutralité carbone fixé par la Commission européenne à l’horizon 2050 – et les 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Il battait aussi en brèche le mythe d’une « croissance verte », qui apporterait mécaniquement au pays innovation, emplois et richesse.

Entre-temps, la douloureuse réforme des retraites, présentée par le chef de l’Etat comme la mère des batailles, n’a guère donné le sentiment que le climat faisait partie des priorités de l’exécutif.

Six mois plus tard, le constat des auteurs reste d’ailleurs le même : si « la neutralité climatique est atteignable », la France n’est « pas encore sur la trajectoire » pour y parvenir. Dix jours après que le président de la République a semé le trouble en appelant à une « pause » dans la réglementation européenne, le constat de l’ancien commissaire général au plan se veut sans appel : les mutations à venir s’apparentent une nouvelle « révolution industrielle ». Avec en ligne de mire une question : est-il « possible de concilier neutralité climatique et amélioration du bien-être ? » Selon les auteurs, « il faut convaincre les sociétés de ce qu’elles n’ont pas à choisir entre l’avenir de la planète et leur propre bien-être ni même, à long terme, entre préservation du climat et niveau de vie ».

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Source: Le Monde