Cannes 2023, jour 7 : saignant ou à point, votre festival ?
Au menu : une montée des marches sanguinolente, de jeunes Britanniques alcoolisés et un coup de gueule de Harrison Ford. Pour le dessert, Jeanne Balibar raconte en vidéo son premier Festival de Cannes.
La blogueuse ukrainienne Ilona Chernobai, vêtue d’une robe aux couleurs de l’Ukraine, a éclaté une poche de faux sang sur sa tête pendant une montée des marches. Photo Daniel Cole/AP/SIPA
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Sang et tapis rouge. Le film a une portée plus écologique que politique, mais peu importe. À la première d’Acide en séance de minuit, hier soir, la blogueuse ukrainienne Ilona Chernobai, vêtue d’une robe bleu et jaune, aux couleurs de son pays, a interrompu la montée des marches en éclatant une poche de faux sang sur sa tête. Une façon de rappeler que l’Ukraine lutte toujours contre la Russie.
Sexe et gueule de bois. Nouveau petit phénomène d’Un certain regard, How to Have Sex traite d’un sujet qui affole les médias britanniques depuis des années : les voyages de groupe alcoolisés de lycéens diplômés. Nous avons rencontré sa réalisatrice, Molly Manning Walker, venue au cinéma par la scène punk.
Filmeur et filmé. Aki Kaurismäki est visiblement heureux d’être de retour à Cannes. Joueur lors de la montée des marches, il s’est emparé de la caméra d’un professionnel avant de se mettre à le filmer. L’arroseur arrosé en somme.
Cul et planète. Il ne fallait pas énerver notre Harrison Ford. « Si on ne se bouge pas le cul, et qu’on ne le fait pas maintenant, on va perdre cette planète ! » a déclamé l’acteur sur le plateau de 20h30 le dimanche, sur France 2, à Cannes. Une bien belle attention assez largement saluée. Dommage que l’acteur pilote très régulièrement son propre jet privé. Un coup de gueule qui sent un peu trop le kérosène…
Argent et pouvoir. « J’étais à Cannes pendant la diffusion de l’ultime épisode de Mad Men, je suis passée totalement à côté, alors que c’était ma série préférée », se souvient une festivalière, pas encore tout à fait remise. Cette année, le déchirement vaut pour la série HBO Succession, dont l’ultime saison est diffusée sur Prime Video. L’avant-dernier épisode est en ligne ce lundi, mais quel sens cela a-t-il de s’accorder une heure pour le visionner sur son ordinateur dans une journée où on voit trois films et fait deux interviews ? Il y a ceux qui ont dealé avec leur compagne : « Elle a promis d’attendre mon retour pour regarder l’épisode 9. » Et il y a ceux qui ne sont plus du tout en état de penser.
Doué et protéiforme. Acteur remarquable du Procès Goldman, de Cédric Kahn, scénariste de l’ambitieux Anatomie d’une chute, de Justine Triet, réalisateur de longs métrages singuliers (Onoda, 10 000 nuits dans la jungle), Arthur Harari mise sur tous les tableaux avec succès. Découvrez-le dans notre portrait.
Gratuits et délicieux. De Chronique d’une liaison passagère à As bestas, de L’Innocent à La Conspiration du Caire, Télérama vous offre, si vous êtes abonnés, la crème de la programmation du Festival de Cannes 2022 disponible sur les plateformes de vidéo à la demande. Pour en savoir plus, c’est ici.
Notre vidéo du jour
Nos critiques du jour
s Anatomie d’une chute, de Justine Triet ► Il y a là tous les éléments concourant au suspense d’une véritable intrigue policière, mais rehaussée d’une approche intime des personnages. Bataille d’ego, désir, frustration, jalousie sont au cœur du film. La réalisatrice excelle avec un scénario diabolique sur la dissolution du couple. Un projet ambitieux pour du grand cinéma.
q Firebrand : Le Jeu de la reine, de Karim Aïnouz ►Nous sommes au crépuscule du règne d’Henri VIII, ce roi « Barbe-Bleue » qui fit exécuter ou répudia ses épouses l’une après l’autre. Le film consacre une relecture féministe et soignée de l’Histoire à sa sixième et dernière femme, Catherine Parr. Une course contre la montre entre une reine trop intelligente pour les rigueurs de son époque et un autocrate bouffi de méfiance, illustre ancêtre de tous les conjoints abusifs.
r Le Livre des solutions, de Michel Gondry ► Cet autoportrait du cinéaste en maniaco-dépressif un brin pénible, voire dictatorial, est souvent irrésistible de drôlerie. Et offre à Pierre Niney un terrain de jeu idéal pour exprimer son sens du comique à la fois hyper précis et complètement barré.
r Bonnard, Pierre et Marthe, de Martin Provost ► Un biopic habité, où l’histoire du célèbre peintre français et de sa compagne raconte à la fois la comédie de l’amour et de l’infidélité, la vie d’artiste et l’idéal qui peut en naître, un rapport au monde, à la beauté et à la vie.
r Acide, de Just Philippot ► Guillaume Canet comme on l’a rarement vu : électrique, ramassé, intense, contraint de protéger les siens, dans une incroyable et haletante course-poursuite vers nulle part, avec une menace sans forme ni intention, sans aucune échappatoire, un monstre abstrait et impitoyable : la pluie est devenue de l’acide.
q Little Girl Blue, de Mona Achache ► Après Les Filles d’Olfa en compétition vendredi, on a pu découvrir dimanche soir en séance spéciale un autre film documentaire qui, sur la forme, bouscule les frontières entre cinéma du réel et fiction et, sur le fond, questionne la répétition des violences faites aux femmes d’une génération à l’autre. Pour tenter de comprendre pourquoi sa mère s’est suicidée à l’âge de 63 ans, la réalisatrice Mona Achache (Les Gazelles) l’a « ressuscitée » en la faisant incarner par une actrice. Et quelle actrice… Marion Cotillard livre l’une des prestations les plus sidérantes de sa déjà riche carrière dans ce rôle de femme fantasque et fragile, en ne cachant rien des coulisses de sa métamorphose. Le dispositif est troublant jusqu’au malaise, mais produit un film poignant.
q Bread and Roses, de Sahra Mani ► Des nouvelles des Afghanes, depuis le retour des talibans à l’été 2021. Présenté en séance spéciale, ce documentaire produit par la star américaine Jennifer Lawrence suit la lutte de trois femmes très différentes qui ont refusé de se soumettre. Manifestations de tous les dangers, terreur, exil… Une incroyable leçon de courage face à un régime qui leur a tout pris.
Notre photo du jour
Jude Law, à Cannes pour « Le Jeu de la reine », de Karim Aïnouz. Photo Jean-François ROBERT
Source: Télérama.fr