Jean-Yves Camus : " On constate clairement une recrudescence d’actes d’intimidation " perpétrés par l’extrême droite

May 22, 2023
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Un manifestant contre l’installation d’un nouveau centre d’accueil de demandeurs d’asile, à Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), le 29 avril 2023. FRED TANNEAU / AFP

Menaces d’élus acceptant l’accueil de réfugiés à Callac (Côtes-d’Armor), Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique) et Bélâbre (Indre). Annulation des concerts du chanteur Bilal Hassani dans une église en Lorraine, puis de l’organiste Kali Malone dans une église à Carnac (Morbihan), devant les menaces de catholiques intégristes jugeant les événements « profanatoires ». Polémique après un événement pour enfants avec une drag queen à Bordeaux…

Les mobilisations et intimidations de l’extrême droite française – des partis politiques aux groupuscules néofascistes – se sont multipliées ces derniers mois. Une « recrudescence » inédite, mais des modes d’action classiques de ce côté du spectre politique, selon Jean-Yves Camus, spécialiste des mouvements d’ultradroite et codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès.

Les actions coup de poing de l’extrême droite se multiplient-elles ou bien bénéficient-elles d’un coup de projecteur médiatique ?

Il n’y a pas d’effet de loupe médiatique : on constate clairement une recrudescence, non pas d’une simple « agit-prop » d’extrême droite, mais d’actes d’intimidation visant des événements et projets très divers. Sont ciblés les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), des lieux de culte prêts à recevoir des événements culturels, des lectures organisées par des drag queens… Le tout justifié par une injonction d’ordre moral dictée par une multitude d’organisations et de groupuscules d’extrême droite.

Parmi ces actions, on peut relever la particularité de celles menées contre les CADA. Elles constituent un paradoxe dans le militantisme d’extrême droite. Les défenseurs autoproclamés de l’ordre public, de la souveraineté, du régalien et donc de la force de l’Etat s’opposent… à des décisions et dispositifs purement étatiques : l’Etat étant présent à chaque étape d’intervention de ces lieux, de leur installation au suivi des personnes accueillies.

Les CADA mis à part, les mobilisations de ces derniers mois n’ont donc rien de nouveau ?

Pour les actions justifiées par la morale, Civitas est en pointe depuis sa création [en 1999] contre toutes expositions d’œuvres ou représentations de pièces de théâtre jugées blasphématoires. On a ici affaire à des théocrates, un parti déclaré [depuis 2016] dont l’un des premiers combats, écrit dans son programme, est la négation complète d’un principe inscrit dans la Constitution : la laïcité de la France. Leur souhait d’imposer une version radicale du catholicisme lefebvriste n’a aucune chance d’aboutir. Mais leurs actions peuvent parfois amener les organisateurs à renoncer aux événements qu’ils ciblent, par crainte de troubles à l’ordre public.

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Source: Le Monde