Les questions toujours en suspens après la collision mortelle
Dimanche matin, à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, trois policiers sont morts après que leur véhicule a été percuté par un jeune homme roulant à contresens, ivre et sous l’emprise de stupéfiants. Ce dernier est d’ailleurs mort lui aussi, alors que son passager a été gravement blessé ainsi que la jeune fille transportée par les policiers. Et si les investigations ont rapidement avancé, de nombreuses questions demeurent encore sans réponse. Y aura-t-il un procès un jour ? Le mis en cause était-il un militaire ? La procédure concernant la jeune fille est-elle compromise ?
La mort du suspect éteint-elle l’action judiciaire ?
En France, si l’on peut juger une personne en son absence, on ne juge en revanche pas les morts. Et dans ce drame, le principal mis en cause, conducteur de la voiture qui a percuté le véhicule de police, n’a pas survécu à l’accident. « Devoir se résoudre à ce qu’il n’y ait jamais de procès est souvent difficile pour les familles de victimes et pour les victimes, parce que cette étape est un moment qui leur appartient pendant lequel elles auront des réponses », reconnaît maître Antoine Regley, avocat spécialisé en droit routier et droit des victimes contacté par 20 Minutes.
Pour autant, la case procès n’est peut-être pas tout à fait inenvisageable. « Selon les éléments de l’enquête, le parquet peut décider de l’ouverture d’une information judiciaire avec une mise en examen du passager du véhicule fautif pour son éventuelle responsabilité indirecte dans l’accident », poursuit l’avocat. « C’est fragile, mais pas impossible », assure encore maître Regley, prenant l’exemple d’un serveur de boîte de nuit mis en cause après l’accident de la route provoqué par un client. Condamné en première instance, le jugement avait néanmoins été cassé par la suite faute de pouvoir démontrer un lien de causalité. « Aller au procès avec le passager comme unique prévenu, c’est prendre le risque de voir la relaxe prononcée », poursuit l’avocat.
Un accident qui efface les traces ?
Selon le parquet de Lille, la mission des policiers décédés était de conduire leur passagère de 16 ans à l’unité médico-judiciaire du CHU de Lille « afin de la faire examiner en urgence par un médecin dans le cadre d’une enquête ouverte pour des faits d’atteinte à sa personne qu’elle avait dénoncés au cours de la nuit ». Blessée gravement lors de l’accident, l’adolescente a effectivement été admise au centre hospitalier de Lille, mais au service des urgences. « La priorité des médecins était de lui sauver la vie et ils n’étaient peut-être pas au courant des examens qu’elle devait subir », estime Antoine Regley.
Dans l’hypothèse où les constatations médico-judiciaires n’ont pas été effectuées, tout le problème est de savoir si les traces et les preuves de l’agression auront disparu : « Relever ces traces, c’est le rôle d’un médecin expert des tribunaux et ce sera à lui de déterminer s’il est encore possible de collecter ces informations », explique à 20 Minutes un médecin légiste parisien qui souhaite rester discret. « Chaque cas est différent et cela dépend aussi de s’il s’agit d’une agression physique ou d’une agression sexuelle », ajoute-t-il.
Dans ce cas, la question ne se posera pas. « les examens médicaux qui devaient être pratiqués sur la jeune fille […] ont effectivement pu être réalisés », a déclaré à 20 Minutes la procureure de Lille, Carole Etienne, ajoutant que « l’enquête sur les faits qu’elle a dénoncés se poursuit dans des conditions normales ».
Le mis en cause était-il un militaire ?
Le conducteur de l’Alfa Roméo qui a percuté le véhicule de police est un certain C.O, né en 1999 et donc âgé de 24 ans. Dimanche, une source policière avait déclaré qu’il était connu pour consommation d’alcool, usage de stupéfiants et outrages. La procureure de Lille a d’ailleurs confirmé, lundi, que le mis en cause était positif à l’alcool et au cannabis au moment du drame.
Un pedigree qui n’avait pas empêché le jeune homme d’intégrer l’armée de Terre, en 2018, après avoir travaillé un temps dans une boulangerie à Hem, près de Roubaix. Un statut de militaire qu’il affichait d’ailleurs toujours sur les réseaux sociaux. « C.O. est en effet un ancien militaire qui a été déclaré déserteur en 2020 », assure à 20 Minutes une source à l’État-major de l’armée de Terre. Cette même source précise que le « contrat avec l’armée de Terre a été résilié en 2021 », et que le jeune homme « ne fait plus partie des effectifs de l’armée de Terre ».
Source: 20 Minutes