Les étonnantes créations du poids lourd de la plume
Qui aurait dit que cet intrigant et rare CAP plumasserie, découvert dans la minuscule notule d’un catalogue d’orientation, le conduirait sur les podiums des plus des plus grands couturiers et dans les coulisses du Moulin Rouge ? A bientôt 34 ans, Maxime Leroy a fait d’un métier millénaire, et pour tout dire désuet, un artisanat carrément tendance. Il faut dire que le créateur à « la plume facile ». Il la coupe, la colore, la colle, l’entortille pour en faire du fil d’autruche, des broches en parure de paon, des chaussures à l’aspect si velouté qu’on les croirait en fourrure. Quand une brique de lait lui passe sous le nez, il l’imagine déjà tout emplumée. Il a même reproduit un bouquet de mimosa à s’y méprendre. Qui ne fane jamais, forcément, les plumes d’émeu et d’autruche ne flétrissent pas. Son « travail de haute technicité » est tout simplement « magique et somptueux », dit Francis Saint-Genez, le directeur et conservateur du Musée des Arts précieux Paul Dupuy de Toulouse, qui consacre à l’artiste – lui préfère se dire « artisan » – sa toute première, et carrément étonnante rétrospective*.
Souliers remplumés, pull Jean-Paul Gautier, tranche de citron en trompe-l’œil, boas d’autruche couleur « Moulin Rouge », qu’il fabrique au kilomètre pour le cabaret parisien, coiffe géante inspirée des chefs amérindiens… Grâce ou à cause du Covid-19, le plumassier a eu trois ans pour s’approprier cet « écrin » toulousain, le truffer de pièces rares et prestigieuses, ou de dispositifs très contemporains.
Des mues de perroquets de cinéma
« La plume c’est du bioplastique, on peut tout imaginer avec », assure Maxime Leroy en virevoltant entre ses créations. « Vous vous rendez compte qu’un paon, c’est 147 variétés de plumes différentes », lance comme s’il s’en étonnait encore lui-même celui qui a le col de sa chemise tatoué sur la peau.
De l'assise "marbrée" au bouquet de mimosa, tout est en plume. - H. Ménal
Et que les amis des bêtes se rassurent, toutes les plumes proviennent d’élevages. Le plumassier rachète sa matière première en mode récup. Il a même quelques propriétaires de perroquets dans son carnet d’adresses – « des perroquets de cinéma qu’on voit dans les clips de rappeurs » – qui lui adressent les plumes de mue de leurs volatiles la saison venue. Et si l’artisan met « quatre heures » pour assembler un faux citron avec les « culots » (leur extrémité bien dure) de plumes, il a attendu « neuf ans » l’une des grandes plumes de sa coiffe amérindienne. Etre plumassier, c’est aussi avoir un poil de patience.
* Exposition Haute Voltige, visible jusqu’au 12 novembre 2023 au Musée des Arts précieux Paul Dupuy de Toulouse.
Source: 20 Minutes