Prince Albert II: "J’ai demandé aux personnes impliquées dans les affaires dites des "Dossiers du Rocher" de faire face à leurs responsabilités"

May 24, 2023
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L’émission "Complément d’Enquête" consacrée aux "Dossiers du Rocher" a mis sur le gril vos proches collaborateurs et parfois amis, qu’en avez-vous pensé ?

Il faut tout d’abord dire un mot sur la liberté de la presse à laquelle je suis très attaché, et faire une différence entre le journalisme et les productions de magazine de ce type qui ont une tonalité particulière et orientent les discussions. Les méthodes utilisées sont bien connues et personne ne gagne à se retrouver dans de tels dispositifs. Mais une fois de plus c’est l’image de la Principauté qui est touchée et ce n’est ni plus ni moins qu’un lynchage réputationnel qui est engagé contre Monaco. Il faut s’élever contre cela et je tiens à rappeler que l’intégrité, l’impartialité, le respect, la compétence et la loyauté sont les valeurs éthiques qui doivent s’imposer à toutes personnes au service de la Principauté. Comme je l’avais dit en 2005, l’éthique ne se divise pas, les vraies valeurs sont indissociables les unes des autres.

Ces collaborateurs ont-ils toujours votre confiance ?

J’ai demandé aux personnes impliquées dans les affaires dites des "Dossiers du Rocher" de faire face à leurs responsabilités. Il n’y a pas que cette émission mais aussi d’autres articles qui sortent de façon répétée et c’est désastreux pour l’image de Monaco. Nous devons absolument y mettre un terme. Des actions sont en cours et il faut laisser la justice faire son travail, mais j’espère que ce temps ne sera pas trop long car tout cela devient très pesant. Et qui est-ce qui se retrouve en première ligne, en photo dans les journaux ? C’est moi. Pourtant, je ne suis pas mêlé ni de près ni de loin à ces attaques.

"Il est dommageable que le perdant se sente obligé de nuire à la réputation des institutions du pays"

Comme l’émission "Pièces à conviction" par le passé, la séquence d’introduction de "Complément d’enquête" sous-entend qu’Heli Air aurait été écarté sans ménagement au profit de la société de vos neveux Andréa et Pierre Casiraghi, Monacair, qui détiendrait un monopole. Quel est réellement le projet autour de l’héliport ?

Un appel d’offres avait été lancé dans les règles d’attribution des marchés. Il est dommageable que le perdant se sente obligé de nuire à la réputation des institutions du pays, tout en oubliant de mentionner qu’il a lui-même bénéficié d’un monopole d’exercice pendant plus de 35 ans. Par ailleurs, si cette attribution n’a pas répondu aux règles de droit, les tribunaux trancheront.

Il y avait deux opérateurs et il fallait tenir compte de la meilleure offre mais il fallait aussi tenir compte de l’antériorité, et je pense qu’il a été aussi retenu que certaines infractions avaient été commises par cette société [Heli Air, ndlr] dans le passé. Pas en Principauté mais en France. Je crois que personne ne l’a soulevé et je me permets de le dire aujourd’hui car c’est un fait. Lorsque quelqu’un détient un monopole depuis tant d’années et qu’il se voit refuser son renouvellement du jour au lendemain, je peux comprendre qu’il y ait une certaine frustration. Mais il faut savoir accepter les choses. Le fait que des membres de ma famille soient dans la société Monacair, qui avait été créée au départ par Stefano Casiraghi, n’a pas pesé dans la décision de l’État.

Comprenez-vous que des méthodes comme celle décrites par M. Palmero (administrateur des Biens) pour le rachat du terrain de la Crémaillère puissent troubler le grand public ?

Je comprends que cela ait pu troubler le grand public. M. Jean Castellini [conseiller-ministre de l'Economie et des Finances, ndlr] était chargé de ce dossier il pourra vous donner plus de précisions à ce sujet.

"Il faut réinstaurer plus de rigueur et de suivi"

Vous avez renouvelé votre Cabinet fin 2021 pour donner un nouveau souffle à votre règne, est-il nécessaire que d’autres collaborateurs se mettent en retrait aujourd’hui car trop impliqués dans des affaires ?

L’éthique doit être au centre de nos préoccupations et les personnes concernées doivent pouvoir se défendre. Il faut que la justice fasse son travail et ensuite nous prendrons acte et agirons en conséquence.

Des Jardins d’Apolline à l’Esplanade des Pêcheurs, de grands chantiers publics qui devaient être des modèles ont viré au fiasco, faut-il revoir la gestion des dossiers d’urbanisme en Principauté ?

C’est une question que je dois évoquer avec le gouvernement. Que le département des Travaux publics soit maître d’œuvre ou pas, c’est une question dont il faudra reparler, c’est indéniable. Il faut être plus rigoureux dans le respect du cahier des charges et sur toutes les lignes des projets publics. Il faut réinstaurer plus de rigueur et de suivi.

Justice et police monégasques ne travaillent pas dans la plus grande des sérénités depuis quelques années. N’est-il pas maladroit dès lors que le président du Tribunal Suprême Didier Linotte, votre avocat et ami Me Thierry Lacoste et votre chef de cabinet Laurent Anselmi affichent leur amitié et travaillent sur les mêmes dossiers sensibles ? Ne craignez-vous pas que des amalgames persistent au détriment de la police-justice dans son ensemble ?

C’est le danger. Cela peut à la fois être une bonne chose dans un petit pays que tout le monde se connaisse et que les relations soient facilitées ; mais le revers de la médaille, c’est que cela soit un danger si des amitiés sont utilisées à des fins professionnelles. Il faut respecter les principes de l’État de droit, que la loi soit respectée et que les valeurs d’honnêteté et d’intégrité ne soient pas négociables. Il faut faire très attention à cette notion de conflits d’intérêts qui est délicate et dont la frontière n’est parfois pas bien définie. Chacun doit faire preuve de plus de responsabilité et de vigilance afin que l’on retrouve la sérénité nécessaire au bon fonctionnement des institutions et que la cohésion soit préservée dans notre pays.

"M. Pastor n’est ni à plaindre ni une victime dans cette affaire" Pointé du doigt au Palais princier comme étant le marionnettiste derrière les piratages informatiques de vos collaborateurs, Patrice Pastor nie être le "corbeau" mais affirme qu’il fera tout pour faire cesser des agissements qui lui feraient perdre des marchés et dont il vous estime vous-même victime. Que lui répondez-vous ? Le dialogue est-il rompu avec lui ?

D’abord il faut savoir que M. Patrice Pastor ne répond plus aux marchés publics depuis longtemps. Quant aux opérations privées, je pense que cela a toujours été attribué de façon équitable et juste. M. Pastor attaque l’opération des Pêcheurs, mais pour d’autres raisons. Moi, je ne veux pointer personne du doigt. M. Pastor est issu d’une lignée de constructeurs connus en Principauté qui, eux-mêmes, ont édifié un très grand nombre d’immeubles et de bâtiments. Il n’est donc ni à plaindre ni une victime dans cette affaire. Le dialogue n’est pas rompu avec lui mais il est espacé dans le temps et lorsque je l’ai rencontré je n’ai pas évoqué de façon exhaustive cette affaire avec lui. Là encore, il faut laisser faire la justice. Elle doit faire toute la lumière sur cette affaire et sur l’identité du corbeau. J’en profite pour dire qu’il serait important d’en appeler à tous les promoteurs de la Principauté, afin qu’ils fassent preuve de plus de respect, de discernement et d’honnêteté dans leurs interactions professionnelles. Quand bien même ils sont concurrents, ils ne doivent ni affaiblir ni pénaliser inutilement l’image de la Principauté.

Source: Var-matin