Une innovation grenobloise permet à un premier patient paraplégique de contrôler sa marche par la pensée !

May 24, 2023
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Le mouvement est lent, le pas encore mal assuré, mais ce qu'est en train de faire Gert-Jan avec un déambulateur, était encore inimaginable il y a peu. "J'ai eu une lésion de la moëlle osseuse il y a 12 ans, et depuis 10 ans j'essaie de me tenir sur mes jambes, raconte le patient Hollandais de 40 ans lors de la conférence de presse organisée à Lausanne. Ça a été un long chemin pour en arriver là. La marche est toujours difficile, mais je suis très content d'avoir accompli cela, ce que vous voyez aujourd'hui." Victime d'un accident, Gert-Jan a donc perdu l'usage de ses jambes. Plus précisément, la lésion de la moëlle osseuse a interrompu la communication entre le cerveau et les muscles mobilisés lors de la marche. L'innovation présentée cette semaine et qui fait l'objet d'une publication ce jeudi dans la prestigieuse revue scientifique Nature, consiste donc à réaliser un "pont numérique" afin de rétablir la communication entre la tête et les jambes. La découverte en est au stade de l'essai clinique et le chemin sera encore long avant une application à grande échelle, mais les chercheurs ont fait la preuve du concept.

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Gert-Jan, le premier patient de l'essai clinique - Gilles Weber

Système non invasif

Gert-Jan est le tout premier patient à tester ce dispositif qui est le fruit d'une collaboration entre des équipes française et suisse. Les chercheurs ont d’abord implanté des électrodes sans fil dans le crâne pour enregistrer les signaux envoyés par le cerveau. Ces signaux sont ensuite transmis à un petit ordinateur externe qui, grâce à un algorithme, les décode et les analyse. C'est la partie française du système, développée par le laboratoire Clinatec du CEA Grenoble. L'un des défis est de réduire au maximum le temps de latence, autrement dit la vitesse de transmission de l'information, pour rendre le mouvement plus fluide, souligne Guillaume Charvet, responsable du programme pour le CEA : "Entre le moment où il y a l’intention de mouvement, le moment où Gert-Jan va imaginer par exemple lever sa jambe, et le moment on est capable de prédire le mouvement à partir des signaux électriques, il se passe environ 300 à 500 millisecondes." En 2019 déjà, l'équipe grenobloise avait déjà permis à un patient tétraplégique de se déplacer en commandant un exosquelette .

Des premiers résultats prometteurs

Ici, une étape supplémentaire est franchie, cette fois avec un patient paraplégique : ce n'est plus un exosquelette que peut commander Gert-Jan, mais ses "vraies" jambes. C'est là qu'interviennent les équipes suisses de l'EPFL, l'École polytechnique fédérale de Lausanne, et du CHUV, le Centre hospitalier universitaire vaudois. Des électrodes sont implantées le long de la moëlle épinière du patient.

"Cet implant de stimulation va délivrer les impulsions électriques qui vont arriver à la moëlle épinière" explique Henri Lorach, le responsable du programme côté suisse. Ce sont ces impulsions électriques qui vont déclencher mécaniquement le mouvement. "Il (le patient) a juste besoin de penser à marcher pour faire un pas, pour s’arrêter, pour reprendre la marche ou pour augmenter la hauteur de son pas, détaille Grégoire Courtine, professeur de neurosciences à Lausanne. Il est capable aussi de bouger ses bras, de parler tout en contrôlant la stimulation avec ses pensées, c’est-à-dire qu'on projette ses pensées sur l’activation des régions de la moëlle épinière qu’il a envie d’activer pour marcher." Gert-Jan, le premier patient, peut ainsi contrôler l'amplitude de ses mouvements, et il peut désormais se déplacer avec un déambulateur ou des béquilles, et même monter des marches. Une véritable prouesse, et un grand bon en avant dans la recherche médicale.

L'essai clinique devrait être étendu à d'autres patients. L'objectif de l'équipe franco-suisse est maintenant de miniaturiser le système, et de l'adapter aux membres supérieurs sur des patients tétraplégiques.

Source: France Bleu