Paris : " J’ai été un gros c*nnard "… Dix personnes jugées pour le cyberharcèlement d’un influenceur
Au tribunal judiciaire de Paris,
A la barre, les prévenus font profil bas et semblent un peu perdus. La plupart d’entre eux ont à peine 18 ans et ont affaire à la justice pour la première fois. Certains ont des têtes de bébés, et ont été accompagnés par un parent. Leur attitude, calme et désolée, contraste avec la teneur des messages qu’ils ont postés sur les réseaux sociaux début 2022. Ce mercredi, ces dix jeunes comparaissent devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour avoir cyberharcelé et menacé l’influenceur Benjamin Ledig, auteur d’une vidéo polémique dans une église. Trois d’entre eux sont également poursuivis pour des injures homophobes proférées sur les réseaux sociaux.
En février 2022, Benjamin Ledig crée la polémique en publiant sur TikTok une vidéo qui le montre twerker dans une église parisienne avec un copain. La séquence est devenue virale et a été très commentée sur les réseaux sociaux. Depuis, le jeune homme affirme être victime d’un cyberharcèlement très violent. Veste à fleurs roses, tee-shirt blanc, pantalon noir et baskets blanches, il décrit en larme l'« année compliquée » qu’il vient de passer. « J’ai peur qu’on me frappe, qu’on m’insulte, qu’on ne me laisse pas parler », explique-t-il, ajoutant que « tous les jours », il se fait insulter aussi « dans la rue ». « Je suis malheureux un peu. » Il affirme même envisager d’arrêter de faire des vidéos, pour se lancer dans les études de droit.
« J’ai réagi sous le coup de l’émotion »
Arnaud* est tombé sur la vidéo de Benjamin une nuit, alors qu’il jouait aux jeux vidéo. « J’étais un peu dans mon monde, j’ai juste réagi, j’étais un peu déconnecté », souffle le jeune homme, chemise blanche et jean gris. « En tant que chrétien », il s’est senti « blessé et choqué » par les images. « C’est pour ça que j’ai réagi sous le coup de l’émotion. » Il s’est connecté sur un forum sur le site jeuxvideo.com et a laissé le message suivant : « Il faut les égorger les deux. » Selon lui, il n’avait « jamais », par le passé, employé « des termes aussi violents » pour commenter un sujet sur Internet. Il a depuis écrit une lettre d’excuse au plaignant. « Vous aviez conscience que vous participiez à un mouvement ? » lui demande la présidente. « Non », répond-il. « Je savais qu’il se faisait critiquer, mais pas qu’il était harcelé. »
Des messages aussi virulents, Benjamin en a pourtant reçu à la pelle. Celui envoyé sur Twitter par Guillaume sort du lot : « Je jure le Benjamin il ne faut pas le tuer, faut pas juste lui baiser la gueule, il faut le rendre paraplégique ce fils de pute, il ne twerkera plus jamais de sa vie. » « Je disais ça car je ne voulais plus qu’il fasse ce genre de danse dans des lieux sacrés », explique penaud l’adolescent à la barre. « C’était au sens figuré, ce n’était pas ce que je pensais », soutient-il. Le fait qu’il ait été choqué par la vidéo de Benjamin justifie-t-il de tels propos, lui demande la magistrate. « Non, au contraire… Enfin… Non… » Depuis cette affaire, il jure passer moins de temps sur les réseaux sociaux. « Avant, j’y passais 4 ou 5 heures par jour mais maintenant, j’y vais juste pour répondre à des amis. »
« Un torrent de haine »
« Sans trop réfléchir », Karim a posté son message invitant « les bandits du 93 » à « torturer » le plaignant. « J’ai écrit le tweet rapidement, mais je ne le pensais pas vraiment, c’est pourquoi je l’ai supprimé », poursuit-il. Le jeune homme a « réagi à chaud » après avoir vu une autre vidéo de Benjamin Ledig, dans laquelle il se filme lavant ses vitres avec un exemplaire du Coran. « Il se plaignait du harcèlement subi à cause de la vidéo à l’église, et quelque temps après il refait ça avec une autre religion. Je n’ai pas compris », clame le prévenu.
D’autres internautes ont été beaucoup plus loin, mêlant menaces et injures homophobes. Le plus âgé des prévenus - absent à l’audience - a écrit à l’époque des faits : « Hitler aurait dû cramer les PD. » En garde à vue, le ton était moins véhément. « J’ai été un gros connard d’avoir écrit cela », a-t-il alors confié aux policiers. « J’ai déversé un torrent de haine, je m’excuse d’avoir tenu ces propos. J’ai réagi sous le coup de la colère et de l’énervement. »
« Mécanique de l’embrasement de la foule »
Pour l’avocat du plaignant, Me Alexandre Bigot Joly, les prévenus ont essayé durant l’audience de « minimiser la gravité des propos reprochés » ainsi que les « conséquences » sur son client. « Il faut que la justice soit ferme, sinon quel message envoyons-nous aux victimes de harcèlement ? » lance-t-il au tribunal, rappelant que Benjamin Ledig est désormais « dépressif », « vit replié sur lui-même, et est constamment menacé ».
« Ce qui est frappant dans ce dossier, c’est la mécanique de l’embrasement de la foule », analyse la procureure qui requiert « une peine d’avertissement » : 4 mois de prison avec sursis, pour sept d’entre eux, 6 mois de prison avec sursis pour les trois autres, accusés d’avoir proféré des insultes homophobes. Elle demande aussi qu’ils suivent un stage de citoyenneté.
Les avocats de la défense tentent, quant à eux, de démontrer que leurs clients ne sont pas coupables de harcèlement au sens de la loi. Ils n’ont envoyé qu’un seul message chacun et n’ont pas recommencé ensuite. Surtout, soulignent-ils, les prévenus ne s’adressaient pas directement à Benjamin Ledig. Ils ne pensaient pas qu’il lirait leurs commentaires violents et déplacés. La décision sera rendue le 13 septembre prochain.
*Les prénoms ont été changés
Source: 20 Minutes