En Israël, le budget cimente l’autonomie des ultraorthodoxes

May 24, 2023
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Après une laborieuse nuit blanche, la coalition au pouvoir en Israël a voté à l’aube, mercredi 24 mai, un budget annuel controversé qui doit lui permettre de s’inscrire dans la durée. C’est le premier que Benyamin Nétanyahou parvient à boucler depuis 2019. Le premier ministre entend ainsi tourner la page de quatre années instables durant lesquelles il s’est maintenu sans majorité au pouvoir – impliquant une gestion chaotique des finances publiques – et d’une cinquième passée dans l’opposition. Sans oublier les quatre premiers mois de son retour aux affaires, en décembre 2022, accaparés par sa réforme de la justice inaboutie, qui a fait naître contre lui le plus important mouvement de protestations de l’histoire d’Israël.

M. Nétanyahou s’est montré généreux à l’égard de ses alliés fondamentalistes religieux (32 sièges sur 120 à la Knesset), dont trois partis menaçaient de voter contre son budget. Le chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid, a critiqué « une extorsion sans fin ». Il dénonce l’allocation aux ministres issus de ces factions de près de 4 milliards d’euros de fonds discrétionnaires sur un an, destinés à leurs communautés. Cela inclut les représentants du parti Sionisme religieux de Bezalel Smotrich, le ministre des finances qui a promis de doubler la population juive des colonies de Cisjordanie pour qu’elle atteigne un million d’âmes (sans compter les colonies de Jérusalem-Est).

Les principaux bénéficiaires sont les ultraorthodoxes, qui consolident les digues isolant leur communauté du monde moderne, aux frais de l’Etat. D’importants financements sont alloués à leurs écoles religieuses, la base de leur pouvoir. La coalition se refuse à exiger en contrepartie que ces écoles enseignent des matières profanes (mathématiques ou histoire), auxquelles nombre d’enfants ultraorthodoxes n’ont pas accès. Les haredim (ceux qui « craignent » Dieu) obtiennent aussi une hausse des allocations aux étudiants adultes des séminaires, qui les dissuadent de rejoindre le marché du travail. Seul un homme haredi sur deux travaille. Les autres étudient à vie.

Mise en garde de 200 économistes

Ces concessions exaspèrent l’Israël laïque et libéral qui manifeste depuis janvier contre la politique du gouvernement et s’indigne de « l’autonomie » insoutenable à long terme des haredim, représentant 13 % de la population. Croissant plus vite que tout autre communauté, ils pourraient être majoritaires d’ici cinquante ans, avec leurs alliés sionistes religieux. Le 19 mai, une animatrice de télévision, Galit Gutman, a suscité l’émoi en affirmant que « les ultraorthodoxes sucent notre sang ». Le 21 mai, deux cents économistes ont mis en garde le gouvernement contre ces aides accrues aux haredim, qui entraîneront selon eux « des dommages importants et de long terme à l’économie d’Israël, ainsi qu’à son avenir en tant que pays prospère ».

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Source: Le Monde