Meurtres en série à Valence : "dissiper le fantasme" de criminels venus de Marseille ou Grenoble

May 25, 2023
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Après un quatrième homme tué par balles dans l'agglomération de Valence en deux semaines, Laurent de Caigny, procureur de la République de Valence, était invité de France Bleu Drôme Ardèche ce jeudi matin pour décrypter cet enchainement inédit de meurtres par armes à feu.

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La Drôme a "sa propre criminalité organisée"

France Bleu Drôme Ardèche - On parle de règlements de compte, de guerre de territoire, de prise de contrôle par le milieu marseillais contre le milieu grenoblois. Qui est responsable de la situation ?

Laurent de Caigny - Si je pouvais vous donner un nom, ça arrangerait tout le monde A commencer par mes enquêteurs qui cherchent activement et avec succès. Vous avez évoqué les quatre homicides volontaires. L'un d'entre eux a été élucidé par la police judiciaire puisque un auteur a été écroué sous la responsabilité du parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée de Lyon qui nous prête son concours.

Mais de quoi s'agit-il ? Ce sont des gens d'ici qui règlent leurs comptes ou sont des gens qui viennent d'ailleurs ?

Je crois que la Drôme est aussi riche de sa propre criminalité organisée. Je voudrais dissiper un fantasme, Non, en sortant des clichés, les Marseillais, les Lyonnais, les Grenoblois ou je ne sais quelle autre destination qui aurait la réputation sulfureuse d'engendrer une criminalité organisée importante, ne viennent pas s'installer à Valence. Nous avons nos criminels organisés ici aussi.

À ce stade des enquêtes, on peut parler de vendetta locale ou pas ?

Par les méthodes employées, on sent bien, hélas, que ce sont des assassinats ciblés, c'est à dire malheureusement, que les gens qui décèdent soient visés en raison de leurs relations, voire de leurs activités délinquantes, c'est tout à fait la logique d'enquête qui est actuellement en cours. Après, les mots vendetta, règlements de compte, exécutions qui ont une connotation un peu grandiloquente mais dont je comprends que le grand public les utilise, je ne peux pas, moi, les reprendre à mon compte parce que ce n'est pas mon vocabulaire technique, mais effectivement ça s'inscrit sur un fond de trafic de stupéfiants et aussi dans d'autres dossiers d'homicides qui ont pu avoir lieu dans les deux dernières années.

Peut-on dire que les quatre derniers meurtres par balles sont liés ou pas?

Ils ne sont pas liés au sens technique. Si j'étais très pédant, je dirais au sens de la connexité juridique. Non. Sinon je l'aurais dit et j'aurais essayé d'expliquer en quoi le numéro un a un lien avec le numéro deux ou etc. En revanche, ils ont le même terreau, un terreau de délinquance organisée, criminalité organisée valentinoise comme je l'expliquais tout à l'heure.

Autour de la drogue ?

Avec effectivement en toile de fond le trafic de produits stupéfiants, notamment sur les quartiers de la zone de sécurité prioritaire du Plan et de Fontbarlettes. Mais je dis "notamment" parce que, là encore, il ne faut pas non plus imaginer que tout est dessiné avec des frontières. Ce n'est pas un jardin à la française, la délinquance organisée.

Un rapport au geste de tuer quelqu'un "très banalisé"

Côté interpellations, combien de personnes ont été arrêtées dans le cadre de ces quatre meurtres ?

Laurent de Caigny : Dans le cadre de ces dossiers, il y a une personne en détention pour le deuxième meurtre [NDLR celui qui a été commis au rond-point dit du MacDo à Valence]. Il s'agit d'un profil qui est particulièrement inquiétant. C'est un mineur, alors mineur qui n'est pas loin de sa majorité, mais c'est un mineur qui reconnaît sa participation aux faits. Et pour le professionnel que je suis, il a un rapport à ce geste qui est très banalisé, ce qui est très inquiétant.

Tuer ne lui fait pas peur ?

Je n'irai pas jusqu'à affirmer cela parce qu'il ne l'a pas dit comme tel. En tout cas, à travers les éléments qu'avec mon collègue Nicolas Jacquet, le procureur de Lyon qui suit ce dossier, nous échangeons, je sens un garçon qui effectivement met le meurtre au même rang que d'autres activités délinquantes, ce qui est inquiétant.

D'autres interpellations ?

Oui, parce que quand on fait une enquête sur fond de bandes organisées, on interpelle aussi les gens dont on sait qu'ils ont un lien plus ou moins proche avec la victime, par exemple. Puisqu'on part évidemment de la victime. Puis après ça, progressivement, l'environnement ou d'autres dossiers dans lesquels la victime a été soit impliquée, soit des personnes dont le nom apparaît ont été elles aussi impliquées. C'est un travail de fourmi.

Un homme est en garde à vue depuis hier, après la découverte d'un cadavre à Bourg-lès-Valence la nuit dernière. Que pouvez-vous nous dire sur cet individu aujourd'hui ?

Il est toujours en garde à vue. A l'heure où on se parle, s'il est toujours en garde à vue, c'est que pour l'instant, je ne peux pas vous en dire beaucoup.

Il est en rapport avec la voiture qui a été retrouvée brûlée ?

S'il est en garde à vue, c'est parce qu'il il s'est présenté spontanément au commissariat pour parler de ce véhicule qui nous nous intrigue beaucoup puisqu'il est, on va dire de façon un peu imagée, criblé de balles. C'est quand même pas bien naturel pour un véhicule, c'est pas construit comme ça ! Donc effectivement, quelqu'un qui spontanément se présente au commissariat pour parler d'un véhicule criblé de balles, ça questionne. Et comme les premières explications qu'il donnait paraissaient un peu discordantes par rapport à d'autres éléments, dans un cadre légal qui est prévu qui s'appelle la garde à vue, il est interrogé. Quel est son rôle, quel est son lien, tout cela se travaille.

La présence des CRS, les renforts qui sont à Valence depuis deux semaines, ça ne sert à rien ?

C'est faux de dire cela. Maintenant, si vous me demandez si on fait venir la CRS 8 ou tout autre unité très compétente de CRS pour résoudre la criminalité organisée, je vous répondrai comme le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux l'a dit : non, ce n'est pas pour ça que c'est conçu. Par contre, ça a un rôle puisque ça sécurise un quartier qui était en grande souffrance, avec aussi une délinquance qui n'est pas que celle liée à la criminalité organisée. Donc oui, c'est utile. Et Madame le préfet qui est responsable de ce dispositif de sécurisation a l'intention d'ailleurs, dans un dialogue républicain avec moi, de vous faire part du bilan de l'action des CRS depuis quinze jours.

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Source: France Bleu