Voies respiratoires, cerveau, cœur... La puff est-elle sans risque pour la santé des plus jeunes ? (Non)

May 25, 2023
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Elle a un goût de reviens-y. Ou plutôt de nombreux goûts, de fruits, de bonbon, de licorne (!) ou encore de coffee latte. En quelques mois et avec une liste de parfums à faire pâlir les marchands de glaces, la puff a conquis les adolescents, fans de cette cigarette électronique colorée, jetable et aux effluves sucrés.

Si elles sont – sur le papier – interdites à la vente aux mineurs, collégiens et lycéens sont nombreux à s’en procurer sans problème, et à vapoter ces e-cigarettes à usage unique, « ce qui en fait une porte d’entrée vers le tabac », déplore le Pr Loïc Josseran, président de l’ACT-Alliance contre le tabac. Il organise ce jeudi un point presse aux côtés de la députée Francesca Pasquini et d’autres parlementaires ayant cosigné la proposition de loi visant à interdire la vente de puff. Mais en plus de son potentiel addictif, qu’elle contienne ou non de la nicotine, quels effets la puff a-t-elle sur la santé des ados ?

Des arômes aux effets inconnus

La déferlante puff est récente. « C’est un produit qui n’existe que depuis l’été 2020 sur le marché américain, et qui est arrivé en 2021 en Europe. Il a trouvé son public à une incroyable vitesse, retrace le Pr Josseran. En conséquence, on manque de recul pour connaître l’étendue de ses effets. D’autant qu’il y a une grosse inconnue sur la composition des liquides aromatisés ne contenant pas de nicotine : ils ne sont ni testés, ni soumis à une réglementation avant leur mise sur le marché ». Or, l’Anses « constate que les liquides à vapoter sans nicotine, avec des arômes concentrés aux saveurs multiples, sont largement utilisés par les vapoteurs. Cependant, ni les dispositions protectrices pour la santé telles que les interdictions de certains ingrédients, ni les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les fabricants de produits du vapotage ne portent sur les produits sans nicotine ».

Résultat, pour ces e-cigarettes jetables, « il y a un flou total, déplore le Pr Josseran. Mais croyez-vous qu’une puff aromatisée au bonbon à la fraise soit conçue à partir d’une barquette de fruits frais ? Pour proposer cette multitude de parfums, les industriels ont forcément recours à un arsenal de molécules chimiques dont on ne sait rien ou presque. Leurs liquides contiennent-ils des additifs problématiques, ont-ils des effets perturbateurs endocriniens ? On l’ignore, on est sur une absence totale de données ».

Mais « ce qui est sûr, c’est que les poumons ne sont pas faits pour inhaler des arômes de bonbon à la fraise, renchérit le Pr Yves Martinet, pneumologue et président du Comité national contre le tabagisme (CNCT). Des arômes utilisés par l’industrie alimentaire qui, d’un point de vue digestif, ne posent pas de problèmes particuliers. Mais on ne sait rien des éventuels effets délétères lorsqu’ils sont chauffés et passent dans les voies respiratoires ». Le processus de chauffage peut ainsi « produire des substances chimiques comme du formaldéhyde et d’autres contaminants, y compris du nickel, de l’étain et de l’aluminium », alerte l’Association pulmonaire du Canada.

Des « syndromes asthmatiformes » et des risques cardiovasculaires

Si pour des fumeurs en quête de sevrage tabagique, la e-cigarette est une solution moins nocive que la cigarette classique, pour de jeunes adolescents n’ayant jamais fumé, la puff n’est pas sans risque pour leur santé respiratoire. « En consommer peut causer des syndromes asthmatiformes, avec une irritation spécifique de l’arbre respiratoire, indique le Pr Josseran. Les voies respiratoires sont inflammées, donc plus sensibles aux infections. On contracte plus facilement les viroses, donc on tombe plus facilement malade. Une plus grande sensibilité qui décuple les allergies respiratoires ».

« Une irritation causée notamment par les sels de nicotine contenus dans les puff nicotinées, qui font tousser », ajoute le Pr Martinet. « De la nicotine de synthèse dont les effets biologiques n’ont jamais été étudiés, souligne le Pr Josseran. Heureusement, les conséquences respiratoires sont réversibles à l’arrêt de la consommation ».

En revanche, cette e-cigarette jetable présente des risques pour la santé cardiovasculaire. Et plusieurs facteurs sont en cause. Les liquides d’abord. « Certains composants aromatiques tirant vers la vanille peuvent causer des problèmes de conduction cardiaque avec des troubles du rythme », expose le Pr Josseran. Des « arômes [de vanille] qui induisent une toxicité dans les systèmes pulmonaire et cardiovasculaire », confirme une étude menée par des chercheurs de l’UNC School of Medicine, en Caroline du Nord (Etats-Unis). « Il y a aussi la présence de particules fines dans l’aérosol de ces produits, qui contribuent au développement de maladies respiratoires et cardiovasculaires », avertit le Pr Martinet.

Troubles du développement cérébral et retards d’apprentissage

Et la liste des méfaits pour les plus jeunes ne s’arrête pas là. « Lorsqu’elles contiennent de la nicotine, les puff présentent un haut risque d’addiction et de passage vers le tabac et le cannabis », poursuit le Pr Martinet. Et la nicotine « n’est pas neutre au niveau cérébral, surtout sur des cerveaux jeunes et en cours de maturation, insiste le Pr Josseran : cela entraîne des troubles du développement cérébral, de la cognition, du comportement, de la concentration et des retards d’apprentissage ». Des effets réels, avec « des modifications visibles sur des IRM cérébrales », précise le Pr Martinet.

Mais « la puff est tellement facile d’accès, regrette Loïc Josseran. Une enquête menée par l’ACT démontre que 13 % des 13-16 ans l’ont déjà testée, et 9 % en ont déjà acheté. Il y a urgence à l’interdire à la vente et, dans l’intervalle, d’informer les parents des risques sanitaires qu’elle représente pour leurs enfants ».

Un souhait qui pourrait bientôt devenir réalité. Le 3 mai, le ministre de la Santé, François Braun, s’est dit « favorable » à son interdiction. Une interdiction qui pourrait figurer dans la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale ou dans « d’autres lois avant la fin de l’année ».

Source: 20 Minutes