Démission de Brigitte Henriques du CNOSF : le sport français malade de sa gouvernance
Quand tous les regards sont dirigés vers vous, mieux vaut se montrer à son avantage. Depuis de longs mois, cette évidence ne parvenait plus à franchir les portes de la Maison du sport français, qui abrite le siège du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), à Paris. Jeudi 25 mai, le retour de bâton a été brutal pour sa présidente, Brigitte Henriques, qui a présenté sa démission, seule solution pour mettre un terme à la bataille rangée qui minait le mouvement sportif tricolore.
A un peu plus de 400 jours de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, c’était encore plus devenu une nécessité, une question d’image renvoyée au monde entier. Jeudi, le Comité international olympique (CIO), qui veille généralement à ne pas s’immiscer dans les affaires des comités nationaux, a même demandé au CNOSF de se « focaliser » sur l’échéance à venir, en appelant « à la responsabilité de chacun pour que les conflits internes (…) cessent ».
L’affaire qui a poussé Mme Henriques au départ est devenue au fil du temps un enchevêtrement complexe d’accusations – mêlant abus de bien social, violences psychologiques, diffamation, dépenses ou notes de frais abusives – entre la présidente du CNOSF, son prédécesseur, Denis Masseglia, et son ancien secrétaire général, Didier Séminet. Deux enquêtes préliminaires ont été ouvertes par le parquet de Paris.
Au-delà des raisons du conflit qui ébranle le CNOSF, c’est la question de la gouvernance du sport en France qui est une nouvelle fois posée. Mme Henriques est la troisième représentante de premier plan des instances tricolores à être poussée vers la sortie en 2023, après les démissions de Bernard Laporte de la Fédération française de rugby, le 27 janvier, et celle de Noël Le Graët de la Fédération française de football, le 28 février. En a-t-on fini ? Pas sûr. D’autres fédérations – notamment celle de tennis – inquiètent.
La ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, s’est montrée active dans la résolution de ces crises à répétition. Jeudi, elle a appelé à « un sursaut éthique et démocratique du CNOSF ». Mais le départ de celles et ceux qui ont failli pitoyablement dans leur mission, oubliant que les règles éthiques qui valent dans le reste de la société s’appliquent également aux fédérations sportives, n’est qu’une première étape.
Valeurs d’exemplarité
La France doit désormais se doter de mécanismes permettant d’assainir à long terme le fonctionnement des instances du sport. La loi du 2 mars 2022 visant à sa démocratisation comporte un volet sur le renouvellement du cadre de la gouvernance des fédérations qui n’a pas produit encore d’effets visibles.
A l’initiative de Mme Oudéa-Castéra, un comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport a été mis en place le 29 mars. Il rassemble des personnalités reconnues, dont l’ancienne ministre des sports Marie-George Buffet et l’ex-athlète Stéphane Diagana. Il faut souhaiter que les idées qui en ressortiront permettent au mouvement sportif français de renouer enfin avec les valeurs d’exemplarité que le sport lui-même est censé véhiculer.
L’enjeu est crucial pour les pratiquants et bénévoles des petits clubs, pour tous les amateurs du spectacle sportif au sens large, comme pour les athlètes de haut niveau. Un nouveau départ est impératif à la veille du grand rendez-vous des Jeux olympiques de Paris.
Le Monde
Source: Le Monde