JMJ : " Les jeunes catholiques ont renoncé à un consensus avec les valeurs dominantes "
La Croix : Quel est l’enseignement principal de ce sondage ?
Yann Raison du Cleuziou : De manière frappante, l’enquête montre la force du conservatisme chez les jeunes catholiques. Cette réalité peut s’expliquer par le fait que le catholicisme se recompose à partir des familles qui parviennent le mieux à transmettre la foi, et celles-ci ont une sensibilité plus conservatrice.
Ces jeunes ont également une pratique religieuse assidue…
Y. R du C. : Oui, ce qui ressort en tête, c’est l’importance de la messe. Les inscrits aux JMJ viennent principalement de familles pratiquantes (80 %) et sont eux-mêmes fidèles au rythme hebdomadaire de la pratique (pour 51 % des répondants). Certains sont mêmes zélés et y vont plusieurs fois par semaine (24 %).
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Ils attendent que la messe soit un moment de rencontre intime avec Jésus (47 %) et la célébration d’un mystère sacré (24 %), ce qui relève d’une logique charismatique, d’un côté, et observante, de l’autre. Par ailleurs, la messe en latin bénéficie d’une forte bienveillance parmi eux.
On note également un rapport très confiant à l’institution. Comment peut-on l’expliquer ?
Y. R du C. : Sur la question des violences sexuelles dans l’Église, les réponses majoritairement données écartent la question d’un diagnostic systémique. On trouve aussi l’expression d’une confiance par rapport aux évêques pour lutter contre les abus, notamment exprimée par ceux qui se déclarent d’extrême droite alors qu’ils sont généralement très défiants à l’égard des évêques. Mon interprétation est que c’est davantage l’autonomie de l’Église institution qui est défendue ici, par opposition à une potentielle ingérence de la société dans les affaires ecclésiales.
Autre élément, qui vient confirmer la forte légitimité que les jeunes attribuent à l’institution : parmi plusieurs réponses proposées, la représentation de l’Église qui reçoit l’assentiment majoritaire est celle d’une Église qui, dans la société, doit être un « phare qui montre le chemin dans les ténèbres » (59 %).
Il est intéressant de noter que, dès que les positions les plus conformes au magistère sont en jeu, c’est toujours les sensibilités de droite majoritaires qui les soutiennent et la gauche qui a une position plus détachée. Sauf lorsqu’il s’agit du pape ! Ceux qui se disent « génération pape François » sont tendanciellement ceux qui se situent au centre, à gauche ou écologistes. Cela montre à quel point le pape parvient à toucher des catholiques plus périphériques et peut renouveler leur attachement à l’Église.
Comment ces jeunes se situent-ils dans leur époque ?
Y. R du C. : Je pense qu’ils sont bien dans leur époque parce qu’ils sont dans la logique d’un fait religieux minoritaire. Ils ont fait le deuil d’un consensus avec les valeurs dominantes. Ce qui est le cas de toutes les minorités religieuses.
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Fait nouveau, les jeunes cathos de droite ont plus d’expérience militante que ceux qui se disent au centre ou à gauche. Ils s’autorisent à porter des combats conservateurs, en militant par exemple sur les questions de bioéthique (35 %) ou de morale sexuelle (32 %). Dans la mesure où le changement sociétal reste très valorisé dans la société, ce conservatisme n’en fait pas des gardiens de l’ordre établi mais paradoxalement des contestataires.
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Source: La Croix