L’inquiétant triple record climatique du 23 mai 2023 : températures de l’air et des océans au plus haut, surface de la banquise au plus bas
FactuelTrois pics simultanés ont été enregistrés mardi. Un événement rare probablement dû au hasard mais qui n’aurait pas été possible sans le réchauffement climatique.
Trois records battus en une journée, et ce n’est pas une bonne nouvelle : mardi 23 mai, les données relevées par le Climate Change Institute de l’université du Maine ont montré que la température à la surface de la Terre et celle de la surface des océans ont atteint un maximum jamais observé pour cette date de l’année. Au même moment, l’étendue des glaces de mer n’avait jamais été aussi faible. Une simultanéité relevée dans un tweet de Leon Simons, un entrepreneur et chercheur membre du club de Rome néerlandais.
« Le fait de battre des records n’est pas étonnant, analyse Françoise Vimeux, climatologue à l’Institut pour la recherche sur le développement. En une seule journée, c’est le hasard. Mais au fil du temps, les impacts du réchauffement climatique s’intensifient. »
Ces dernières semaines, les scientifiques observent « des records de températures à la surface des mers entre les latitudes 60° Nord et 60° Sud, poursuit le spécialiste. Pour la glace de mer en Antarctique, il me semble que c’est un record absolu, ou alors on le frôle ».
Les températures en 2023 se démarquent déjà de celles de 2022
Ce premier graphique montre l’évolution de la température à la surface de la planète. L’année 2022, figurant en orange, se démarque de la plupart des précédentes : selon le jeu de données considéré, elle figure à la 5e ou 6e place des années les plus chaudes jamais observées. Depuis la mi-avril, l’année 2023 est encore plus hors norme, puisqu’elle bat toutes les années précédentes, avant même qu’El Niño, attendu pour l’été, ne tire encore les températures mondiales à la hausse.
Température moyenne de la Terre Enregistrée quotidiennement à sa surface depuis 1979.
Source : Source : Climate Reanalyzer
La carte ci-dessous représente, par rapport à la moyenne de la période 1979-2000, les anomalies de températures relevées à 2 mètres du sol à la date du 23 mai 2023.
Anomalie de température de surface Le 23 mai 2023, par rapport à la normale 1979-2000. Source : Climate Reanalyser
A la surface des océans, la fin du refroidissement dû à La Niña
La tendance au réchauffement des eaux de surface des océans (excluant les eaux polaires) est plus nette encore : elles n’ont jamais été aussi chaudes pour cette période de l’année depuis que les relevés de températures par satellite ont commencé, à la fin des années 1970, ce qui inquiète les climatologues. Interrogé par le Guardian, le docteur Mike McPhaden, un chercheur de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américaine, estime que cela signifie que « les trois années de refroidissement local du Pacifique dues à La Niña se sont achevées ».
Température moyenne des océans Enregistrée quotidiennement depuis 1981 entre 60N et 60S
Source : Source : Climate Reanalyzer
« Ce que nous observons actuellement est le signal d’un réchauffement qui met en lumière notre interférence croissante avec le système climatique terrestre », estime de son côté Matthew England, climatologue à l’université de Nouvelle-Galles-du-Sud, dans le quotidien britannique.
L’anomalie de température à la surface des océans pour la date du 23 mai 2023, par rapport à la période 1971-2000, est projetée sur la carte suivante.
Anomalie de température de la surface des océans Le 23 mai 2023, par rapport à la normale 1971-2000 Source : Climate Reanalyser
Aux pôles, les glaces de mer au plus bas
Ces températures inédites, dont les records sont battus année après année, ont des conséquences inquiétantes sur l’épaisseur et la superficie des banquises polaires. Selon un podcast diffusé par ABC News, la fonte des glaces observée ces derniers mois en Antarctique laisse les scientifiques « bouche bée ». Dans cette zone de l’hémisphère Sud, alors que le solstice d’hiver approche, les glaces de mer, qui devraient être en expansion, semblent au contraire décliner. Le chercheur Edward Doddridge, de l’Institut d’études marines et antarctiques de l’université de Tasmanie, juge la situation « très inhabituelle ». « Dans les zones où nous avons vu une diminution de la glace cette année, en particulier dans la mer de Bellingshausen, la semaine dernière, il y avait un vent persistant du nord. Et, normalement, quand vous avez ce vent en hiver, il forme plus de glace qui s’entasse sur la côte. Mais, cette année, nous n’avons observé aucune glace dans cette zone, ce qui est extrêmement surprenant et vraiment inquiétant, et cela nous fait supposer que quelque chose a changé autour de l’Antarctique », explique le scientifique.
Superficie de la banquise terrestre Somme des superficies des banquises arctique et antarctique, enregistrées quotidiennement depuis 1978
Source : Source : Climate Reanalyzer
Parallèlement à la surveillance de la superficie de ces glaces de mer, les scientifiques suivent aussi avec beaucoup d’attention l’épaisseur de ces banquises, qui diminuent régulièrement, ce qui a des incidences sur leur résistance au réchauffement. La carte ci-dessous montre justement la différence d’épaisseur de la banquise de l’océan Arctique.
Source: Le Monde