Houellebecq victime de lui-même dans " Quelques mois dans ma vie "

May 27, 2023
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Livre. Pour quelqu’un d’aussi mal disposé à l’égard du mouvement #metoo, Michel Houellebecq témoigne d’une conception du consentement remarquablement tatillonne. En tout cas quand il s’agit du sien. C’est ce qui frappe quand on lit Quelques mois dans ma vie, fastidieux récit de la période durant laquelle l’écrivain-français-le-plus-lu-au-monde assure avoir vécu « un enfer », et même « un enfer multiple » – soit d’octobre 2022 à mars 2023. En cause : une interview donnée à Michel Onfray pour un hors-série de la revue Front populaire et un film pornographique tourné avec son épouse, à l’initiative d’un réalisateur néerlandais, Stefan Ruitenbeek.

La première a engendré un scandale avec menaces de procès, la conversation des deux sexagénaires sur « la fin de l’Occident » multipliant les sorties violentes ; le second, rapidement devenu un sujet de plaisanterie, a mené l’auteur de Plateforme (Flammarion, 2001) à attaquer le réalisateur devant les justices française et batave.

Et le consentement, là-dedans ? Eh bien, dans le premier cas, Houellebecq avait demandé à relire l’entretien et à l’amender avant publication, ce qui lui avait été accordé. Il n’avait pas pour autant jugé nécessaire de corriger ses phrases établissant des liens directs entre islam et délinquance ni celles avertissant de possibles « Bataclans à l’envers », soit des attentats contre des musulmans commis par des « Français de souche ». Selon lui, cette négligence a une excuse : « Il s’agissait d’un entretien exceptionnellement long, mon attention avait pu fléchir sur certains passages. » Le lecteur se trouve donc ici gratifié desdits passages tels que Houellebecq les aurait réécrits, eût-il été plus attentif, ainsi que du compte rendu assez peu palpitant de ses échanges avec la revue Front populaire dans l’espoir vain que le hors-série soit retiré de la vente.

Un « viol »

Dans le second cas, la cause principale de son ire est une affaire de contrat pas lu avant d’être signé – habitude prise à force de se reposer sur un agent qui les négocie et examine à sa place, et dont on ignore pourquoi il n’a pas eu celui-ci sous les yeux. Tout en ressassant cette histoire qu’il assimile à un « viol », Houellebecq s’offre des digressions sur le porno, le triolisme, la difficulté d’écrire des scènes de sexe et celle de camper d’authentiques méchants dans des romans. Entendez des méchants à la hauteur de Ruitenbeek, incarnation du « Mal moderne », qu’il désigne sous le surnom du Cafard ; les femmes qui entourent ce dernier sont, elles, la Truie, la Dinde et la Vipère, sans que la drôlerie ou la pertinence littéraire de ces insultes animalières sautent aux yeux.

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Source: Le Monde