Immigration, justice, Europe… la droite lance une offensive contre l’Etat de droit
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, Olivier Marleix, patron des députés LR, et l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (à gauche), lors du campus des Jeunes Républicains, à Angers, le 4 septembre 2022. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE »
Sur l’immigration, Les Républicains (LR) vont loin, au risque d’attaquer de front l’Etat de droit. Afin de « mettre un coup d’arrêt à l’immigration de masse », les dirigeants de LR ont annoncé dans Le Journal du dimanche, le 21 mai, leur volonté de modifier la Constitution. Il s’agit d’y inscrire « la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen avec une loi organique, votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées ou approuvée par référendum, quand les intérêts fondamentaux de la nation sont en jeu », détaillait Bruno Retailleau.
Le président du groupe LR au Sénat dément toute idée de « Frexit », mais veut redonner du pouvoir au pouvoir sur cette question précise. « Sur l’immigration notamment, il y a une forme de dépossession démocratique. Les jurisprudences des cours suprêmes sont souvent celles qui font la politique migratoire et qui ligotent les différents Etats », développe-t-il.
Mais l’idée n’est pas nouvelle dans son parti. A l’automne 2021, Michel Barnier proposait, lors de la primaire pour la présidentielle, l’idée d’un « bouclier constitutionnel » pour sécuriser sa proposition d’un « moratoire sur l’immigration ». Une idée étonnante de la part d’un ancien commissaire européen. A croire que même « Barnier l’Européen » s’est rangé à l’idée d’une France entravée en matière d’immigration par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
En réalité, il existe un mouvement plus profond à droite pour s’attaquer aux jurisprudences européennes et nationales et aux décisions du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, et de la Cour de cassation au nom d’une souveraineté nationale en péril. M. Retailleau théorise depuis longtemps cette « révolution juridique silencieuse » et avance l’idée qu’Etat de droit et démocratie sont entrés en conflit. « C’est un raccourci, estime Xavier Bioy, professeur de droit public à l’université Toulouse-Capitole. Par définition, l’Etat de droit contrarie la démocratie. Nous sommes dans un équilibre permanent entre les deux. Il faut que la majorité puisse s’exprimer et choisir mais toujours dans un cadre, celui des droits fondamentaux et du respect des minorités prévu par la Constitution et le droit européen des droits de l’homme. »
« Il n’y a plus de pouvoir »
En 2016, Nicolas Sarkozy, ancien chef de l’Etat, dénonçait déjà la « tyrannie des minorités » contre l’intérêt général. Aujourd’hui, Bruno Retailleau donne un exemple révélateur, selon lui : « Quand la CEDH, en 2009, dit qu’on ne peut pas expulser un étranger dangereux si son pays d’origine ne lui garantit pas un procès équitable, doit-on d’abord protéger l’étranger dangereux ou la société française ? Sur certaines décisions, il peut y avoir un contenu idéologique à ces jurisprudences. »
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Source: Le Monde