L’AMF ouvre la voie à la restructuration d’Orpea

May 28, 2023
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DÉCRYPTAGE - Elle autorise la Caisse des dépôts et ses alliés à ne pas lancer d’OPA.

Malgré le tir de barrage de petits actionnaires d’Orpea, une étape supplémentaire a été franchie vendredi dans le processus de restructuration financière, porté par la direction. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a accordé une dérogation au groupement mené par la Caisse des dépôts (CDC) avec la Maif, CNP et MACSF. Il pourra prendre 50,2% du capital du groupe d’Ehpad coté sans avoir à déposer une offre publique d’achat (OPA). Lorsqu’une société franchit le seuil de 30% du capital d’une société cotée, elle doit soit déposer un projet d’OPA, soit demander une dispense. Vendredi, le gendarme des marchés financiers a indiqué prendre acte qu’Orpea est dans «une situation avérée de difficulté financière», ce qui l’autorise au niveau réglementaire à accorder une dérogation d’OPA.

Plongé dans une tourmente médiatique, politique, judiciaire et financière depuis la révélation par le livre de Victor Castanet Les Fossoyeurs (Éditons Fayard) des turpitudes de la précédente direction, le numéro un européen des Ehpad est plombé par une dette de 9,5 milliards d’euros. Au bord du dépôt de bilan, il a conclu en début d’année un accord avec ses créanciers et le consortium mené par la CDC - le bras armé financier de l’État - pour sortir de l’ornière et tourner la page. En mars, il a été placé en «sauvegarde accélérée» devant le tribunal de commerce de Nanterre. Cette procédure a été prorogée de deux mois la semaine dernière.

Dilution massive des actionnaires

Le plan de restructuration financière, qui doit déboucher sur un changement d’actionnaire majoritaire et l’effacement d’une partie de la dette d’Orpea, prévoit une dilution massive des actionnaires existants. La CDC et les assureurs, qui injecteront au total 1,36 milliard d’euros dans le groupe, pourront, grâce à la dérogation d’OPA, souscrire à des augmentations de capital avec une décote de 99% (0,18 centime l’action) par rapport au cours actuel (2,19 euros). En revanche, il est proposé aux actionnaires actuels d’investir dans des conditions moins favorables (0,53 centime l’action). Ils demandent à «disposer d’une stricte égalité de traitement.»

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Plusieurs d’entre eux - Adamo, l’association des actionnaires minoritaires d’Orpea et Concert’O - avaient récemment écrit à l’AMF pour s’opposer à la demande de dérogation de la CDC et de ses alliés. Ils se disent «ulcérés» par la décision du gendarme de la Bourse. «L’AMF foule aux pieds son propre règlement pour laisser s’opérer une nationalisation rampante d’Orpea à un prix dérisoire», s’emporte un représentant de Concert’O. Ce concert d’actionnaires réunit le groupe familial Mat Immo Beaune et Nextstone, groupe d’investissement dans le non-coté et l’immobilier en France. Ensemble, ils détiennent 5,52% du capital. Ils envisagent plusieurs actions en justice: ils souhaitent attaquer la dérogation d’OPA octroyée par l’AMF auprès de la cour d’appel de Paris. Et contester devant le tribunal de commerce de Nanterre l’ordonnance qu’il a prise, donnant à Orpea jusqu’à fin 2023 pour tenir l’assemblée générale de validation des comptes 2022. «Rien ne justifie le report de cette assemblée sauf le refus de se soumettre au jugement des actionnaires», estime Concert’O. «L’idée est que ce soit les nouveaux actionnaires qui valident les comptes 2022», a récemment expliqué Laurent Guillot, le directeur général d’Orpea. L’an dernier, le groupe de maisons de retraite a dégagé une perte nette de 4 milliards, en raison d’une série de dépréciations d’actifs principalement immobiliers.

Approuvé par environ 51% des créanciers financiers «non sécurisés» (ne bénéficiant d’aucune garantie financière), le plan de restructuration d’Orpea sera soumis au vote des parties intéressées (créanciers comme actionnaires) courant juin. «La restructuration devrait être achevée en octobre ou en novembre 2023», a estimé mi-mai Laurent Guillot.

Source: Le Figaro