A New York, Peter Marino transforme Tiffany en " un lieu joyeux, surprenant, pas intimidant ni sérieux "
ReportageRénovée par l’architecte star, la boutique de la Vᵉ avenue s’est métamorphosée en prestigieux musée. Sur dix étages, les collections du joaillier côtoient les œuvres de maîtres contemporains et les créations de designers du XXᵉ siècle.
L’entrée de la boutique Tiffany à New York. SETH CAPLAN POUR M LE MAGAZINE DU MONDE.
Printemps 1961. Un taxi s’arrête au petit matin devant la porte en métal Art déco du numéro 727 de la Ve Avenue au son de Moon River, mélodie mélancolique jouée à l’harmonica. Du véhicule jaune sort Audrey Hepburn, lunettes noires, collier de perles, robe longue et tiare plantée dans le chignon, qui observe en contre-plongée la célèbre enseigne de Tiffany.
Le spectateur accompagne ensuite l’actrice dans son élégante déambulation le long des vitrines, café et croissant à la main… La scène d’ouverture de Diamants sur canapé, de Blake Edwards – adaptation à l’écran du célèbre roman de Truman Capote Petit Déjeuner chez Tiffany –, est l’une des plus glamour que le cinéma ait produites.
Depuis le 26 avril, soixante-deux ans après Audrey Hepburn, une longue file de curieux et de clients patiente tous les jours devant cette même boutique fraîchement rénovée qui conserve intact son pouvoir d’attraction. Mis à part une surélévation de deux étages en verre, la façade, non classée, du bâtiment érigé entre 1903 et 1905 n’a pas été modifiée. A l’intérieur, en revanche, les fidèles du joaillier auront du mal à reconnaître l’emblème du luxe fondé en 1837, pendant américain du français Cartier.
« Quoi de plus frivole que d’acheter des bijoux ? »
Lorsque LVMH a racheté la marque, en janvier 2021, Bernard Arnault, le PDG du groupe de luxe, s’est aussitôt tourné vers Peter Marino pour assurer la rénovation du bateau amiral, rebaptisé « The Landmark » (« le jalon » ou « le point de repère »). Avec sa dégaine unique, tout de cuir vêtu, casquette incluse, et ses lunettes noires, l’Américain est l’architecte fétiche des clients fortunés et des maisons de luxe. Il a réussi l’exploit de collaborer avec les frères ennemis du luxe, Chanel et LVMH. Pour ce dernier, il a signé les boutiques parisiennes de Dior et de Louis Vuitton.
« Je le connais depuis ma naissance, il suit ma famille depuis plus de trente ans, explique Alexandre Arnault, benjamin du patron de LVMH et vice-président exécutif des produits et de la communication de Tiffany. C’est l’architecte new-yorkais par excellence, avec des bureaux à deux blocs du Landmark. C’était une évidence pour nous de travailler avec lui. »
Le « starchitecte » a eu carte blanche pour rajeunir la boutique, qui n’avait pas été retouchée depuis 1940. « Tiffany était devenue une vieille machine grippée, explique Peter Marino. Mon idée était de restituer le sentiment de rêve inaccessible que j’éprouvais lorsque j’étais jeune en admirant ses vitrines, en imaginant ce qu’il y avait à l’intérieur. Je tenais à produire un effet waouh en dessinant un lieu joyeux, surprenant, pas intimidant ni sérieux, car, au fond, quoi de plus frivole que d’acheter des bijoux ? »
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Source: Le Monde