Les propos de Justine Triet sur le rôle de l’Etat dans le secteur du cinéma divisent

May 29, 2023
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Justine Triet, après qu’elle a reçu la Palme d’or du 76ᵉ Festival de Cannes pour « Anatomie d’une chute », le 27 mai 2023. LOIC VENANCE / AFP

En remportant sa Palme d’or samedi 27 mai, « Justine Triet a sorti sa kalach », a tweeté l’ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. La réalisatrice d’Anatomie d’une chute, en recevant sa récompense des mains de Jane Fonda, a d’abord dénoncé la manière dont le gouvernement avait « nié de façon choquante » la protestation contre la réforme des retraites. Puis, elle a enchaîné avec une parole très politique sur l’Etat et le septième art qui s’est avérée extrêmement clivante. « La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française, cette même exception culturelle sans laquelle je ne serais pas là aujourd’hui », a lancé la cinéaste.

Cette déclaration a été applaudie par une partie du public de l’amphithéâtre Louis-Lumière, mais en a exaspéré une autre. Au sein du Festival de Cannes, qui représente toutes les cinéphilies de la planète et rendait cette année hommage à l’Ukraine et à l’Iran, le système français fait des envieux. Sur Twitter, la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, s’est immédiatement déclarée « estomaquée » par « un discours si injuste ». Elle a précisé : « Ce film n’aurait pu voir le jour sans notre modèle français ! » La ministre a réitéré ses reproches le lendemain sur BFM-TV : « Je trouve que c’est ingrat et injuste. » Elle le trouve d’autant plus qu’elle avait annoncé huit jours plus tôt un plan exceptionnel d’aides aux studios, aux tournages et à la formation de 350 millions d’euros, et que l’Etat a soutenu à bout de bras ce secteur pendant la pandémie de Covid-19, en accordant 430 millions de soutien direct et plus de 1 milliard d’euros aux intermittents du spectacle. « Dans le discours de Justine Triet, il y a clairement un fond idéologique d’extrême gauche », a estimé la ministre.

La polémique politique a enflé tout le week-end. D’un côté David Lisnard (Les Républicains), maire de Cannes, a critiqué sur Twitter « un discours d’enfant gâtée et si conformiste, en recevant la prestigieuse Palme d’or pour son film subventionné. Routine ». Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, a ironisé en parlant d’« anatomie de l’ingratitude d’une profession que nous aidons tant… et d’un art que nous aimons tant ».

Le financement français du cinéma

A gauche, en revanche, Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI) a salué « le courage » et « le talent » de Justine Triet. Olivier Faure, numéro un du Parti socialiste (PS) a lancé : « Merci madame de garder la nuque raide » tandis que le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, a fustigé « la marchandisation de la culture. Bravo à Justine Triet (…) pour son discours qui frappe si juste ».

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Source: Le Monde