Didier Raoult, une lancinante " fin de partie "

May 31, 2023
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Didier Raoult a-t-il cosigné l’étude de trop ? Seize sociétés savantes et des personnalités scientifiques de premier plan, dont le président de l’Académie des sciences, Alain Fischer, considèrent que la dernière en date, comparant l’hydroxychloroquine à d’autres traitements chez plus de 30 000 patients positifs au Covid-19, constitue un essai thérapeutique « sauvage » − une expérience réalisée en dehors des règles administratives et éthiques régissant les recherches impliquant la personne humaine. Dans une tribune publiée par Le Monde, ils s’étonnent de l’absence de réaction des autorités administratives, ordinales et judiciaires depuis sa mise en ligne, début avril.

Sous leur aiguillon, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) semble corroborer l’analyse des signataires de la tribune quant au statut irrégulier de cette étude, tout comme le cabinet du ministre de la santé, François Braun, qui y voit « un nouveau manquement aux règles éthiques et déontologiques ». Après l’ANSM en 2021, les ministres de la santé et de la recherche avaient déjà saisi la justice début septembre 2022 sur certaines pratiques de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, à la suite d’un rapport accablant de leurs inspections générales. La saisine pourrait être élargie à cette nouvelle étude.

Sans la détermination de quelques sociétés savantes, inquiètes de l’atteinte aux bonnes pratiques et à l’éthique en recherche clinique, il est à craindre que ce énième pied de nez de Didier Raoult à la méthode scientifique serait resté sans suite. Il est temps de s’interroger sur la façon d’éviter à l’avenir ce genre de dérive.

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On ne peut contester les efforts de reprise en main de l’IHU ces derniers mois, sous la houlette notamment du nouveau patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et de partenaires institutionnels historiques de l’IHU : mise à la retraite de Didier Raoult, changement de présidence à la fondation de l’IHU, nouveau directeur, formations imposées aux règles déontologiques et éthiques en recherche clinique…

Forme inédite de populisme médical

Mais de nombreux lieutenants de Didier Raoult, qui lui doivent leur carrière, sont toujours en poste et cosignent l’étude incriminée. Lui-même garde un bureau dans la place et n’entend pas lâcher une once de son influence. Idéalement placé pour tester sérieusement l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre placebo, le microbiologiste s’y est obstinément refusé, dénigrant les preuves qui contrecarraient son intuition, poussant à l’absurde sa rhétorique antisystème.

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A l’heure où le gouvernement annonce la création de douze nouveaux IHU et quatre « bioclusters », il faut tirer toutes les leçons de cette expérience marseillaise : si la science peut gagner à se voir représentée par des personnalités flamboyantes à la pensée originale, il importe de réfléchir à de sains principes de gouvernance et de contre-pouvoirs, dans des institutions où la tentation du localisme et du mandarinat est toujours possible.

Car, si c’est le Covid-19 qui a révélé Didier Raoult au grand public, les dysfonctionnements de l’IHU étaient déjà en place. Le CNRS et l’Inserm n’avaient-ils pas retiré leur agrément respectivement en 2016 et 2019 à un institut pourtant destiné à être le fleuron français de l’infectiologie ? La pandémie a accentué cette dérive, Didier Raoult ayant choisi de prospérer sur une forme inédite de populisme médical, s’adressant directement aux patients dans ses prêches vidéo hebdomadaires, imperméable au jugement de ses pairs. Une action judiciaire s’impose pour lui rappeler qu’il n’est pas au-dessus des lois.

Le Monde

Source: Le Monde