" Sick of myself " : les ravages du narcissisme 2.0
Le film a électrisé le Festival de Cannes l’an passé. « Sick of myself » y avait été sélectionné dans la section Un certain regard. Ce long-métrage norvégien aura donc mis plus d’un an à sortir en France et, à la suite du buzz qu’il avait alors suscité sur la Croisette, il y a fort à parier que les jeunes cinéphiles, directement concernés par son propos, l’auront depuis téléchargé illégalement. Les autres vont enfin pouvoir découvrir en salles cette ahurissante histoire du jeune réalisateur Kristoffer Borgli.
« Sick of myself » a pour cadre Oslo (Norvège), où Signe, jeune femme en couple avec Thomas, a du mal à accepter les succès de ce dernier, artiste à la mode, populaire sur les réseaux sociaux. De plus en plus malheureuse dans ses interactions sociales, lasse que l’on ne s’intéresse jamais à elle, Signe va user de plusieurs stratagèmes pour se faire remarquer. Jusqu’à l’extrême.
Elle va commander un médicament russe dangereux sur Internet qui va lui causer une horrible maladie de peau touchant notamment ses mains et son visage. Ce qui va créer l’émoi autour d’elle. Ravie de cet effet choc, Signe va persister : purulente, défigurée, elle multiplie les selfies, se place dans des situations ahurissantes, et voilà que sa triste renommée intéresse des marques de mode « inclusives », qui vont lui proposer de poser pour leurs campagnes de publicité…
Caustique, mordant, parfois méchant
Kristoffer Borgli est scandinave, et il n’y a rien d’étonnant si son cinéma corrosif et moqueur rappelle celui du Suédois Ruben Ostlund, double lauréat de la Palme d’or et président du jury cannois cette année. À ceci près que « Sick of myself » donne moins dans la farce que dans la charge au lance-flammes sur les travers de notre société moderne — avec tout de même quelques touches d’humour explosif.
Ici, c’est au narcissisme de la jeunesse 2.0 et à l’inclusion à tout prix qu’il s’en prend, ainsi qu’à l’esprit de compétition malsain qui règne sur les réseaux sociaux. Le cinéaste n’hésite pas à pousser très loin le bouchon et à appuyer là où ça fait mal, et il en résulte un film aussi drôle que caustique, mordant et parfois méchant : impossible d’imaginer plus politiquement incorrect.
Mais la réussite du long-métrage n’est pas à mettre à l’unique crédit du cinéaste : la jeune comédienne Kristine Kujath Thorp y offre une performance sidérante, poussant elle aussi très loin sa « transformation » en monstre moderne autocentré et obsédé par son image, tant sur le plan physique que psychologique. La jeune actrice se donne à fond, rendant crédible et très réaliste ce personnage terrifiant que l’on a du mal à regarder parfois à l’écran : c’est l’effet voulu par le réalisateur et la comédienne hors norme, et ce qu’ils proposent donne à réfléchir…
Source: Le Parisien