Rolls-Royce poursuivi en Inde : " Un fleuron à la fois fierté du Royaume-Uni et source perpétuelle de contrariétés "
Composant d’un moteur d’avion Rolls-Royce au Salon aéronautique de Farnborough, au Royaume-Uni, le 19 juillet 2022. JUSTIN TALLIS / AFP
Tufan Erginbilgic a trouvé sa mission. Arrivé en janvier à la tête de Rolls-Royce, il a assuré en mai, dans une interview au Financial Times, que son ambition était de « créer une entreprise dont personne n’aurait à s’inquiéter ». Curieux objectif pour le patron du fleuron de la mécanique britannique, mais pas très étonnant quand on se penche sur l’histoire de cette entreprise dont le nom serait, avec Coca-Cola, la marque la plus célèbre au monde.
Dernière tuile en date, les poursuites entamées par la police et la justice indienne, annoncées ce lundi 29 mai. L’entreprise est accusée de « conspiration criminelle » avec son compère British Aerospace, destinée à « tromper le gouvernement indien » dans un contrat géant de fabrication et de fourniture d’avions de chasse Hawk, équipés de moteurs Rolls-Royce entre 2003 et 2012.
Une histoire ancienne qui fait remonter à la surface la condamnation de l’entreprise, en 2017, par la Serious Fraud Office britannique pour des faits de corruption et de fraude qui se sont étalés sur près de trente ans au Royaume Uni. Comme cette fois, les dirigeants de l’époque avaient promis la main sur le cœur qu’on ne les y prendrait plus.
Grand ménage de printemps
Les dirigeants actuels sont d’autant plus à l’aise à le faire aujourd’hui face à leurs procureurs indiens qu’ils n’étaient pas aux commandes à l’époque des faits. De fait, c’est le grand ménage de printemps en ce moment à la tête du géant mondial des moteurs d’avion, de bateau ou de train. Nommé pour redresser l’entreprise mise à mal par les années Covid-19, Tufan Erginbilgic, un Britanno-Turc ancien dirigeant du pétrolier BP, se répand en commentaires acides sur la gestion de ses prédécesseurs.
Pour l’une de ses premières visites dans les usines, il a comparé l’entreprise à une « plate-forme en feu ». Puis il a assuré par la suite n’avoir jamais vu d’entreprise aussi mal gérée, notamment sa division de moteurs diesel et gaz. Résultat, il a fait partir tous les patrons de division et appelé des lieutenants de BP pour remettre d’équerre les finances et piloter la transformation de l’entreprise, qui passe par le départ de 9 000 employés.
Il faudra de l’énergie pour stabiliser une entreprise qui, depuis sa création par Henry Royce en 1906, a connu bien des vicissitudes. Elle a été nationalisée en 1971, sa lucrative mais petite division automobile a été vendue, puis l’entreprise a été de nouveau privatisée en 1987. Rolls-Royce est à la fois la fierté du Royaume-Uni, l’un de ses derniers bastions dans l’excellence industrielle, et une source perpétuelle de contrariétés. L’enfant terrible de la Couronne.
Source: Le Monde