« Arbitraire », « discriminatoire »… Les limites de l’amende forfaitaire délictuelle, selon la Défenseure des droits

May 31, 2023
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Son avis sera-t-il pris en compte par le gouvernement ? La Défenseure des droits a préconisé mercredi la suppression de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD), un mode de sanction pénale alternatif aux poursuites judiciaires pour une centaine de petits délits, un dispositif censé alléger les procédures mais critiqué.

Instituée en 2016, l’AFD est une amende dressée en flagrant délit par un policier ou un gendarme sur un appareil mobile et qui vaut condamnation et inscription au casier judiciaire, comme pour tout délit. La procédure d’amende forfaitaire, réservée à l’origine aux contraventions, a été élargie aux délits routiers en 2016, avant d’en concerner d’autres : notamment l’usage de stupéfiants, l’occupation illicite de terrain public ou privé, ou l’occupation des halls d’immeuble.

« Risque d’arbitraire »

Dans son avis, consulté par l’AFP, la Défenseure des droits relève « de très nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de la procédure de l’AFD qui compromettent le respect des droits des usagers ». A commencer par « le risque d’arbitraire et de disparités de traitement contraires au principe d’égalité devant la justice » alors que le choix de recourir ou non à cette sanction repose seulement sur l’appréciation de l’agent.

« Ce transfert de pouvoirs conduit à la mise à l’écart du procureur et du juge et donne un pouvoir considérable aux agents verbalisateurs. Le renforcement de ce pouvoir comprend également un risque d’accroissement des pratiques discriminatoires », estime l’institution indépendante chargée notamment de défendre les usagers face à l’administration. La Défenseure des droits préconise la suppression pure et simple de l’AFD.

Arguments « pas fondés »

Mais cet avis - non contraignant pour l’administration - est aussi accompagné, le cas échéant, de plusieurs pistes d’amélioration du dispositif : clarifier le cadre d’emploi auprès des agents, améliorer l’information donnée à la personne verbalisée, accroître le contrôle du parquet et alléger les procédures de contestation.

Les ministères de l’Intérieur et de la Justice ont estimé mercredi dans un communiqué commun que les arguments de la Défenseure des droits n’étaient « pas fondés. » Ainsi, le faible taux de recours contre les AFD en matière de stupéfiants (2,1 %) prouve, selon Beauvau et la Chancellerie, « l’acceptation du dispositif par les mis en cause. » Les deux ministères récusent également tout risque de pratiques discriminatoires de la part des forces de l’ordre, rappelant qu’elles agissent sous la direction du procureur de la République et obéissent aux « instructions locales » délivrées par chaque parquet.

Source: 20 Minutes